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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Et doncques une partie quelconque de sa superficie ne seroit pas plus basse que l’autre, et par conséquent, il s’ensuivroit qu’elle feust toute couverte de eaue, ce n’estoit par aventure le copeau d’une haute montaigne.

» Et pource qu’il n’est pas ainsi, il s’ensuit que la terre est dessemblable selon ces parties, tellement que en la partie qui est descouverte d’eaue, n’est pas si grande pesanteur comme en l’autre, pour ce, par aventure, que ce n’est pas terre pure, mes a en elle mixtion d’autres ellémcns ; et Dieu et nature ont ordrené qu’elle soit descouverte, afin que les hommes et les bestes y peussent habiter ; et pour ce, ceste partie est la plus noble et est auxi comme le devant et la face ou visaige de la terre ; et le demorant ou l’autre partie est enveloppée d’eaue et vestu et covert de mer auxi comme d’un chaperon ou d’une coeffe ; et de ce dit l’Escripture : « Abissus sicud vestimentum amictus ejus. »

» Et le centre de la grandeur ou de la quantité de la terre [est A] ; et le centre de sa pesanteur est plus bas, ou centre du Monde, en droit B, si comme l’en peut ymaginer en figure (fig. 2) ; et la superficie de la mer est concentrique au Munde, et ont I meisme centre le Munde et la mer.

» Et par ce que dit est, s’ensuit que [se] Dieu et nature faisoient que la terre, vers la partie habitable, devenist et fust faicte auxi pesante comme elle est vers l’autre partie, ou que la pesanteur de cette autre partie appetiçast, tant que toute la terre fust uniforme et de semblable pesanteur en toutes ses parties, il conviendront que la partie qui est habitable descendist, et que toute la terre fust pungée en la mer, et toute coverte d’eaue, auxi comme I homme queuvre son visage de son chaperon ; et ainsi porroit estre I diluge, et sans plue. »

Le langage ici tenu par Nicole Oresme s’accorde pleinement avec celui de Jean Buridan. Comme Buridan, l’Évêque de Lisieux paraît admettre que le point qui doit coïncider avec le centre du Monde, pour que la terre soit en équilibre, c’est le centre de gravité de la terre seule, et que la présence ou l’absence de l’eau ne change rien à cet équilibre ; il ne semble pas qu’on puisse interpréter autrement les lignes qu’on vient de lire.