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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

devenait inconcevable ; le déplacement du mobile ne pouvait être qu’instantané.

Pierre de Candie énumère avec une parfaite précision tout ce que la Physique d’Aristote exigeait d’un mouvement avant de le déclarer possible.

« Pour voir plus clairement, dit-il[1], en quoi consiste cette difficulté, il faut prêter attention à ce qu’Aristote pense, du moins comme il me semble, touchant la nature du mouvement successif et, surtout, du mouvement local de translation ; car le mouvement de rotation est soumis à des conditions spéciales.

» Partant, pour qu’un mouvement de rotation s’accomplisse, il nous faut imaginer que cinq conditions sont exigées.

» Est requise, en premier lieu, une divisibilité qui porte sur l’intensité aussi bien que sur l’étendue ; le mobile, en effet, doit être en partie au terme d’où il vient et, en partie, au terme où il va ; cela est nécessaire pour que le mouvement soit continu ; en effet, si le mobile, pris dans son ensemble et dans chacune de ses parties, se trouvait d’abord, tout entier, au terme d’où il vient, et se trouvait ensuite de la même façon, au terme où il va, aucune continuité n’apparaîtrait plus.

» Est requise, en second lieu, la divisibilité réelle de l’espace ; car le caractère successif du mouvement provient de ce que les parties de l’espace sont acquises les unes après les autres ; il faut donc que l’espace sur lequel se fait le mouvement soit divisible.

» Il est exigé, en troisième lieu, que le milieu oppose résistance au mobile ; sinon, le mouvement se pourrait faire dans le vide, et Aristote, au quatrième livre des Physiques, s’efforce de démontrer que c’est impossible.

» En quatrième lieu, pour la raison dite ci-dessus, est requise la coexistence (exhibitio præsentialis) du mobile avec l’espace.

» En cinquième lieu, il faut que le milieu cède devant le mobile ; en effet, dans le mouvement de translation, si un corps ne cédait pas place à l’autre, il faudrait que deux corps occupassent le même lieu, ce que les physiciens regarderaient comme impossible.

» Comme ces diverses conclusions répugnent à un objet indivisible, Aristote a pensé que le mouvement d’une chose indivisible était purement et simplement impossible.

» Mais, comme nos conclusions l’ont montré, si l’on considère, dans son essence propre, la nature du mouvement, la résistance

1. Pierre de Candie, Iqc. cit. ; Ms. cit., fol. 175, col. b.

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