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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

prendre, en toutes choses, le contrepied de cette philosophie ; ils étaient atomistes et, partant, croyaient à l’existence du vide, sans lequel les atomes ne pourraient se mouvoir.

« Les hommes qui s’occupent des racines du dogme, dit Maïmonide[1], croient que le vide existe, c’est-à-dire qu’il existe un ou plusieurs espaces où il n’y a absolument rien, mais qui sont vides de tout corps et privés de toute substance. Cette proposition leur est nécessaire dès qu’ils admettent la première proposition [l’existence des atomes]. En effet, si l’Univers était plein de ces parcelles, comment donc pourrait se mouvoir ce qui se meut ? Car on ne peut pas se figurer que les corps entrent les uns dans les autres, et ces parcelles ne peuvent se réunir et se séparer que par le mouvement. Ils sont donc obligés d’admettre le vide, afin qu’il soit possible à ces parcelles de se réunir et de se séparer, et que le mouvement puisse s’opérer dans ce vide, dans lequel il n’y a point de corps ni aucune de ces substances, [c’est-à-dire aucun de ces atomes] ».

Maïmonide, après avoir donné quelques conséquences inadmissibles de l’hypothèse selon laquelle tout continu est composé d’indivisibles, ajoute ces paroles[2] : « Il ne faut pas croire, du reste, que ce que je viens de dire soit ce qu’il résulte de plus absurde de ces trois propositions ; car, certes, ce qui résulte de la croyance à l’existence du vide est encore plus extraordinaire et plus absurde ».

Si l’hypothèse de l’existence du vide dans la nature semble à Maimonide une pure absurdité qu’il ne prend même pas la peine de discuter, le jugement d’autres philosophes au sujet de cette supposition paraît avoir été moins sévère. L’un des penseurs les plus originaux de l’Islam, Ibn Bâdjâ, l’Avempace des Scolastiques, ne regardait peut-être pas l’idée d’un espace vide comme une conception dénuée de sens ; du moins rejetait-il l’une des objections qu’Aristote avait élevées contre cette idée ; et pour la rejeter, il reprenait, d’une manière presque textuelle, les raisonnements par lesquels Jean Philopon avait nié que la chute d’un grave dût, dans le vide, s’accomplir en un instant.

Averroès nous rapporte textuellement[3] quelques-uns des

1. Moïse ben Maïmoun dit Maïmonide, Le guide des égarés, trad. par S. Munk ; première partie, Ch. LXXIII ; t. I, p. 379 ; Paris, 1856.

2. Maïmonide, loc. cit., p. 383.

3. Averrois Cordubensis In Aristotelis de physico auditu libros VIII cornmentaria magna ; lib. IV, summa II, cap. III, comm. 71.

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