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LE MOUVEMENT DES PROJECTILES

nous voyons alors qu’il continue d’attribuer à l’air ébranlé la continuation de ce mouvement.

C’est ainsi qu’en l’Opus majus, il étudie les propriétés de la balance. Pourquoi un fléau de balance, écarté de son état d’équilibre puis abandonné à lui-même, au lieu de revenir purement et simplement à la position horizontale, dépasse-t-il cette position et exécute-t-il, de part et d’autre, de nombreuses oscillations ? « Cette descente du bras supérieur au delà de la position horizontale, dit Bacon ne provient pas de la nature du poids suspendu au fléau, mais des retours en arrière (reinclinationes) de l’air. En effet, lorsque l’air a reçu un certain mouvement, il le retient fort bien ; aussi ses parties titubent-elles longtemps, alternativement dans un sens et dans l’autre, et ne permettent-elles pas au poids suspendu de se reposer de suite en sa position d’équilibre. »

L’auteur de l’Opus majus était, nous le voyons, demeuré fidèle à la théorie de l’ἀντιπερίστασις qu’il avait défendue dans sa jeunesse.

Lorsqu’il traite de l’impossibilité du vide, Albert le Grand ne dit que quelques mots[1] du mouvement des projectiles ; mais ces quelques mots sont une simple paraphrase des propos d’Aristote. Au huitième livre de sa Physique, Albert examine plus longuement la même question[2] ; le chapitre qu’il lui consacre ne fait que délayer le commentaire d’Averroès ; aucune allusion ne s’y rencontre à la théorie de Jean Philopon.

Saint Thomas d’Aquin s’explique, à diverses reprises, au sujet du mouvement des projectiles.

En commentant soit le quatrième livre de la Physique, soit le huitième livre[3], Saint Thomas expose la pensée d’Aristote sans aucune objection, sans aucune restriction.

Il est vrai qu’en d’autres parties de la même exposition, lorsqu’il ne s’agit pas directement de la théorie du mouvement des projectiles et que ce mouvement est simplement pris comme exemple, il arrive au Doctor communis de s’exprimer suivant le langage courant ; il semble accorder alors au projectile une

1. Rogeri Bacon Opus majus, Pars. TV, dist. IV, cap. XV ; éd. Jebb, p. 108.

2. Alberti Magni Liber physicorum sive auditus physici ; lib. IV, tract. Il, cap. V : Quod ex rationibus quibus antiqui probabant esse vacuum locum accidit contrarium dicere.

3. Alberti Magni Op. land., lib. VIII, tract. IV, cap. IV : De solutione dubitationis quæ est in his quæ feruntur expulsa.

4. Sancti Thomæ Aquinatis In libros physicorum Aristotelis expositio ; lib. IV, lect. XI, et lib. VIII, lect. XXII.

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