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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

parce qu’à son avis, elle contredit à cette règle « qu’Aristote a formulée au VIIe livre et au VIIIe livre des Physiques ; si un moteur meut un certain mobile d’un certain espace pendant un certain temps, ce moteur mouvra la moitié de ce même mobile du même espace en la moitié de ce temps. Le moteur, en effet, pourrait alors beaucoup plus sur la moitié du mobile que sur le tout ; partant il pourra, de tout cet espace, mouvoir la moitié du mobile en un temps plus court que ne l’est la moitié du premier temps. » À l’appui de cette affirmation, Ulric ne donne aucune raison.

Au lieu de s’en tenir à la lecture d’Albert le Grand, Ulric eut trouvé grand profit à étudier ce’que Saint Thomas d’Aquin a écrit du mouvement d’un grave dans le vide.

Des raisonnements d’Averroès, Thomas d’Aquin donne[1] une analyse concise, mais exacte et pénétrante ; il reprend, en particulier, d’après le Commentateur, l’exposé des principes fondamentaux de la Dynamique péripatéticienne, dont l’affirmation essentielle est la suivante :

« En un corps grave ou léger, lorsque on a enlevé ce que le mobile tient de son moteur, savoir la forme qui est le principe du mouvement et qui a été donnée par ce qui a engendré le mobile, il ne reste que la matière ; et de la part de la matière, aucune résistance à l’égard du mobile ne saurait entrer en considération ; en ces corps-là, donc, la seule résistance qui demeure est celle qui provient du milieu. »

Mais ces raisonnements d’Ibn Roschd, Thomas d’Aquin les rejette et les juge avec sévérité : « Sed hæc omnia videntur esse frivola », dit-il.

« En un corps grave ou léger, si l’on supprime par la pensée la forme donnée par ce qui a engendré le mobile, il reste un corps doué d’une certaine grandeur ; et par le fait même que ce corps doué de grandeur est dans une situation opposée [à celle où le mouvement le conduira], il offre une résistance au moteur. Pour les corps célestes, en effet, il est impossible qu’ils offrent à leurs moteurs une résistance autre que celle-là. — In gravibus et leuibus, remota forma quam dat generans, remanet per intellectum corpus quantum ; et ex hoc ipso quod quantum est in opposite situ existons, habet resistentiam ad motorem ; non enim potest intelligi alia resistentia in corporibus cælestibus ad suos motores.

1. Sancti Thomæ Aquinatis In libros physicorum. Aristotelis expositio ; lib. IV, lect. XIII.

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