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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

Afin de rejeter la proposition de Thomas d’Aquin : Un corps oppose à toute force motrice une certaine résistance en raison de la quantité de matière qu’il contient, Gilles de Rome, nous venons de l’entendre, invoque un raisonnement qu’il avait développé auparavant[1]. Ce raisonnement avait pour objet de réfuter l’assertion suivante : Ce qui empêche le mouvement d’un grave dans le vide de se faire d’une manière instantanée, c’est tout simplement la grandeur de l’espace que ce mouvement doit parcourir. Les tenants de cette opinion n’attribuaient aucun rôle à la quantité de matière première contenue dans le mobile. Leur pensée n’avait donc rien de commun avec la pensée thomiste, et ce que Gilles leur avait objecté, si démonstratif qu’on le suppose, ne prouvait rien contre la supposition de Thomas d’Aquin ; l’argumentation de notre auteur était donc fort défectueuse.

Encore y trouvait-on quelque allusion à l’hypothèse de Saint Thomas d’Aquin qui place dans la matière douée de grandeur la raison en vertu de laquelle tout mouvement demande un certain temps pour s’accomplir. Cette allusion, nous ne la retrouverons même plus en ce que Gilles, au commentaire du premier livres des Sentences, dit du mouvement dans le vide. Là, comme en la première des deux argumentations présentées par le commentaire à la Physique, il n’est plus question de la grandeur du mobile ; la grandeur de l’espace à franchir est seule invoquée ; elle est la raison de la durée essentielle requise par tout mouvement ; la résistance du milieu y ajoute une durée accidentelle.

Cette doctrine, que notre auteur expose[2] avec beaucoup de clarté avant de la combattre, il la donne comme celle-là même que professait Ibn Bâdjâ.

« En effet, selon le récit du Commentateur, ledit Avempace a posé deux causes en vertu desquelles tout mouvement requiert un certain temps ; l’une de ces causes provient du mouvement même, c’est-à-dire de la distance des termes ; l’autre provient de la résistance du milieu… Il imaginait que si un espace rempli

1. Gilles de Rome, loc. cil., dubium 2m ; éd. cit., fol. 80, col. d, et fol. 81, col. a

2. Primus Egidii. D. Egidiï Ro. columne fundamentarii doc. Theologorum principis. Bituricensis. archiepi. S. B. E. Cardinalis. ordinis Eremi. sancti Augustini. Primus sentententiarum : Correctus a reverendo magistro Augustino Montifalconio eiusdem ordinis. Colophon : Venetiis Impressus sumptibus et expensis heredum quondam Domini Octaviani Scoti civis Modoctiensis : ac sociorum. Die 19 Martij. 1521. — Dist. XXXVII, pars II, principalïs 2a, quæst. III : Utrum angélus cum movetur, moveatur in tempore vel in instanti. Fol. 198, col. a, b et c.

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