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LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

rapide vers la fin, tandis que le mouvement violent est plus vite au commencement. « Il faut remarquer », ajoute-t-il, « que le mouvement naturel commence à partir d’un repos violent, tandis que le mouvement violent part d’un repos naturel. Donc plus le mouvement naturel s’éloigne du repos à partir duquel il a commencé, plus il s’approche du centre ; c’est pourquoi ce mouvement se fortifie sans cesse par l’éloignement de l’état de repos d’où il est parti. Dans le mouvement violent, c’est le contraire qui a lieu. »

Peut-être serait-on tenté de voir, dans les lignes que nous venons de citer, une vague allusion à la théorie de Thémistius ; on est porté toutefois à les interpréter d’une tout autre manière lorsqu’on les rapproche de celles-ci[1], où Gilles de Rome examine « ce que c’est qu’un repos violent et comment un tel repos peut être engendré :

« Il faut dire que ce repos violent est engendré par le mouvement violent. Mais on admet en général que tout ce qui est engendré par un tel mouvement a plutôt une cause négative (privativa) qu’une cause positive. Si, par exemple, une pierre est jetée en l’air, elle se reposera au sommet de sa course ; mais ce repos provient d’un principe négatif, savoir du manque d’impulsion, bien plutôt que d’un principe effectif et positif. Nous devons imaginer, en effet, que lorsqu’une pierre est jetée en l’air, il lui faut, pour se mouvoir rapidement, une impulsion plus forte que pour se mouvoir lentement, et aussi qu’une impulsion plus forte est nécessaire pour la faire progresser vers le haut que pour la maintenir seulement au lieu qu’elle a déjà atteint. Or, au début, l’impulsion est grande et forte ; puis elle s’affaiblit continuellement ; la pierre donc, ou tout autre objet qu’on lance violemment vers Je haut, se meut tout d’abord avec force ; puis, au fur et à mesure que l’impulsion fait défaut, le projectile se meut plus faiblement ; il arrive que cette impulsion devient si faible que l’air ainsi poussé ne suffit plus à faire monter la pierre davantage, bien qu’il suffise à la maintenir en la place élevée qu’elle a atteint ; enfin, en une dernière période, la poussée de l’air s’affaiblit tellement qu’elle ne peut plus soutenir le corps grave que l’on avait lancé vers le haut ; il faut, dès lors, que ce corps retombe. On voit bien qu’un tel repos est causé par une privation et un défaut bien plutôt qu’il

  1. Ægidii Romani Op. laud., lib. VI, lectio XI, comm. 64, dubium primum ; éd. dt., fol. 117, col. d.