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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

cause précise de l’accélération du grave, alors, à la question posée, je réponds : non. En effet, l’accélération que le grave éprouve en sa descente dépend de plusieurs causes. Mais il est une cause qui l’emporte sur les autres ; aussi dis-je, avec Maître Adam de Pippewell, que la cause principale est la diminution de la résistance ; quant à la continuation du mouvement, à l’approche du milieu, à la gravité accidentelle, à cette inclination naturelle qu’est l’appétit, ce sont des causes partielles ; chacune d’elles est une cause partielle et auxiliaire ; mais aucune d’entre elles n’est une cause nécessairement requise pour l’accélération du mouvement du grave. »

L’auteur du Liber sex inconvenientium s’est défendu de donner une conclusion précise ; il est permis de penser qu’il s’en est trop bien gardé, et qu’il eût agi plus sagement en concluant nettement dans le sens que lui prescrivaient les Buridan et les Albert de Saxe.

En revanche, il est un point où il eût été bien inspiré d’imiter la sage réserve de ces deux auteurs ; il n’hésite pas à croire, en effet, qu’une flèche accélère son mouvement après qu’elle a quitté l’arc ; voici comment il termine l’article que nous analysons :

< J’accorde qu’une flèche frappe plus fort un objet placé à une distance plus grande qu’un objet placé à une distance moindre ; dans ce cas, la continuation du mouvement contribuerait beaucoup à cet effet ; la puissance qui meut la flèche serait plus grande à plus grande distance, et croîtrait par la continuation du mouvement. »

L’enseignement de la Mécanique parisienne touchant la chute accélérée des graves, méconnu par l’auteur du Liber sex inconvenientium, semble être demeuré tout à fait inconnu du Calculateur.

Jean Buridan, Albert de Saxe, Nicole Oresme ont su fort habilement user de la notion d’impetus pour expliquer comment un grave oscille de part et d’autre de sa position d’équilibre lorsqu’il en a été une fois écarté. Albert de Saxe et Oresme ont décrit, en particulier, comment un grave, écarté du centre du Monde, exécuterait des oscillations de part et d’autre de ce centre.

La Terre serait immobile si son centre coïncidait avec le centre du Monde ; écartée de cette position, elle se mettrait en mouvement afin que le centre de gravité regagnât le centre du Monde ; ces deux points arriveraient-ils jamais à coïncider ?