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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

pourraient écarter les scrupules d’un chrétien. C’est sans nul souci de ces scrupules qu’on l’entend dire[1] :

« Les altérations du Monde qui sont grandes et générales sont connues par les signes suivants :

… Par Jupiter, la distinction des sectes j^selon d’autres, les sectes continuent avec lui… On connaît les changements de sectes : Par le changement des conjonctions dans les triplicités ; par les révolutions de Saturne et de Jupiter en 360 ans ; par les grandes années des planètes ; par l’accès ou le recès de l’orbe [des étoiies fixes] de en 640 ans. » C’est avec cette parfaite indifférence que notre auteur formule les règles diverses de l’horoscope des religions.

En 1271, Robert l’Anglais rédige à Montpellier ses Gloses sur le Traité de la sphère de Joannes de Sacro Bosco. Au cours de la première glose du chapitre I, Robert dit quelle est l’utilité de la Science astronomique. « Cette utilité, dit-il[2], est encore rendue manifeste par l’opération de la Médecine. Le médecin ne peut guérir, en effet, s’il ignore la cause de la maladie ; et cette cause ne peut être connue si l’on ignore le mouvement et la disposition des corps célestes, mouvement et disposition qui est la cause de toutes les dispositions des choses d’ici-bas. (Que quidem causa sciri non potest si ignoretur motus et dispositio corporum supracelestium que est causa cujuslibet dispositionis istorum inferiorum.) Si l’on ignore la cause des effets les plus élevés, on ignore aussi la cause des effets qui viennent ensuite ; car, ainsi qu’on le voit au commencement du Livre des Causes ? la cause primaire a, sur l’effet qu’elle produit, plus d’influence que la cause secondaire… »

En disant que les mouvements et configurations des corps célestes produisent toutes les dispositions des choses d’ici-bas, Robert l’Anglais entend-il affirmer que les décisions mêmes de notre volonté reconnaissent cette cause ? Exempte-t-il, au contraire, notre liberté, de l’empire des astres ? Il ne nous le dit pas, et, dans ses nombreuses prescriptions d’astrologie médicale, nous n’avons rien trouvé qui nous fit deviner sa pensée.

  1. Compilatio Leupoldi ducatus austrie filii de astrorum Scientia Decem continens tractatus. Colophon : Compilatio Leupoldi ducatus Austrie filii de astrorum Scientia : explicit feliciter. Venetijs per Melchiorem Sessam : et Petrum de Ravanis socios. Anno incarnationis domini M cccccxx. die xv Julii. — Tract. V ; De annorum revolutionibus, cap. I ; fol. précédant le fol. sign. F, ro et vo.
  2. Tractarus de spera Jo. de Sacro Boscho cum glosis Ro. Anglici. Cap. I, glosa I. (Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 7392, fol. 2, col. d).