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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

E. Guillaume Varon


L’hypothèse d’un espace distinct du Monde et dans lequel le Monde a sa place paraît également rallier le suffrage de Guillaume Varon.

En son commentaire sur les Sentences, Guillaume Varon consacre une question à établir que Dieu pourrait créer un Monde hors celui-cix.

Parmi les objections que l’on peut élever contre cette conclusion, Varon signale celle-ci[1] :

« Il est impossible que Dieu fasse le vide, car l’existence du vide implique contradiction ; mais s’il existait deux mondes, il y aurait le vide ; s’il existait deux sphères, en effet, elles ne se toucheraient absolument qu’en un point, car elles seraient de figure ronde, comme deux pommes ; comme il n’y a rien d’interposé entre les surfaces qui les bornent, il faut bien qu’il y ait le vide. »

Cette objection est celle à laquelle notre auteur s’attarde le plus longtemps. Il expose en détail les raisons des philosophes qui soutiennent cette proposition : Deux corps se touchent lorsqu’il n’y a entre eux aucune distance positive, réalisée en un troisième corps. Il réfute ce que l’on peut, à son avis, objecter à cette opinion, qu’il semble donc faire sienne. Néanmoins, nous l’entendons formuler la conclusion suivante :

« Hors de ce Monde-ci, qui est de figure sphérique, Dieu peut faire un autre monde sphérique qui ne touche le premier en aucun point ; cela, Dieu peut le faire parce que cela n’implique aucune contradiction ; la raison par laquelle il peut faire que les parties d’un ciel soient distantes des parties de l’autre ciel est aussi celle par laquelle il peut faire qu’un ciel total soit distant de l’autre ciel total selon sa volonté ; la création de ce Monde-ci, en effet, n’a, en rien, diminué sa puissance.

» Avant la création de ce Monde-ci, ici où il est, il n’y avait absolument rien, et Dieu y a créé ce Monde-ci ; ainsi peut-il faire hors de ce Monde. On peut imaginer, en effet, un espace quasi-infini dans lequel, toutefois, il n’y a absolument rien (contingit enim ymaginari spatium quasi inflnituni in quo tamen penitus nichil est) ; de même qu’ici, où il n’y avait rien, Dieu a pu créer un Monde, de même là, où il n’y a absolument

1. Gulielmi Varonis Quæstiones in libros Sententtariim ; lib. II, quæst. VIII : Quæritur utrum Deus posset facere alium mundum simul cum isto. Bibl, municipale de Bordeaux, ms. n° 163, fol. 96, col. c et d ; fol. 97, col. a, b et c.

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