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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Voici la raison de cette quatrième supposition : La condensation et la dilatation ne sont suites nécessaires de l’action des qualités premières que pour les substances auxquelles ces qualités premières confèrent une disposition aux transmutations substantielles ; mais ni les orbes célestes, ni les astres ne sont substances de cette sorte, bien que la présente théorie leur attribue formellement le chaud et le froid, le sec et l’humide. On peut donc soutenir ainsi que ces corps sont altérables sous le rapport de ces qualités premières, qu’ils peuvent passer d’une qualité à la qualité contraire, sans qu’il se produise en eux de transformation substantielle, de génération ni de corruption. » Dès lors, en un corps céleste, le passage du chaud au froid, n’entraînerait aucune condensation, le passage du froid au chaud ne déterminerait aucune raréfaction.

On devine quelles objections un péripatéticien ferait valoir contre une telle supposition. Comment un corps céleste éternel et immuable pourrait-il être sujet à ces qualités premières contraires les unes aux autres ? Comment pourrait-il, par exemple, laisser rayonner hors de lui la chaleur qu’il possède ? Ne serait-ce pas une altération contraire à son essence ? À cette objection, voici la réponse que formule Henri de Langenstein :

« Les vertus et qualités qui résultent de la nature d’un corps perpétuel n’ont pas besoin d’être perpétuelles à ce point qu’elles demeurent, en ce corps, numériquement identiques à elles-mêmes, sans jamais devenir plus intenses, sans jamais s’affaiblir. Cela, l’opinion contraire à celle que nous soutenons est bien, elle-même, forcé de l’admettre au sujet de la lumière et des qualités qui composent les influences répandues au travers des orbes. Il suffit que le Soleil possède perpétuellement de le chaleur et Saturne du froid. De même accordons-nous que la Ciel se meut sans cesse de quelque mouvement, bien que le Ciel ne se soit point mû et ne se meuve pas toujours d’un même mouvement.

» Selon cette opinion, donc, les influences des astres et des orbes ne sont pas autre chose que les espèces et les rayons des premières qualités sensibles… Comme ces espèces se propagent de multiple façon, que la variété des mouvements célestes les combine de diverses manières au sein des corps d’ici-bas, on sauverait ainsi, dans le cours naturel des choses, les effets qu’on attribue aux causes célestes, aussi bien qu’on les sauve selon l’opinion commune ; celle-ci suppose que les corps célestes ne sont ni chauds ni froids, ni secs ni humides ; mais elle met en