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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE


VI
L’Astrologie à l’Université de Paris
après Nicole Oresme
(suite). Pierre d’Ailly et Jean Gerson


La guerre que Nicole Oresme avait menée contre les superstitions et les piperies des astrologues fut-elle une guerre sans résultat ? Ceux qui en ont écrit l’histoire l’ont pense.

« L’Astrologie judiciaire, a écrit Francis Meunier[1], était la grande chimère du xive siècle. Charles V croyait à l’Astrologie ; il possédait plus de trois cents ouvrages sur les sciences divinatoires dans sa librairie de la tour du Louvre, et il avait fait venir d’Italie Thomas le Pisan, astrologue célèbre, auquel il donnait cent livres par mois, traitement dont de fréquentes gratifications doublaient presque le chiffre. Que si un esprit aussi sensé, aussi judicieux, aussi sage que celui de Charles V était infatué de sciences aussi vaines, quelle devait être la crédulité du vulgaire ! Aussi Oresme n’eut-il pas tout le succès qu’il semble s’être promis. On continua de croire à l’Astrologie après la publication de ses ouvrages comme on y avait cru avant.

» On y crut sous Louis XI, on y crut au temps de Catherine de Médicis, on y crut sous Louis XIII ; et lorsque La Fontaine écrivait, sous Louis XIV, les fables de l’Astrologue et de l’Horoscope, il ne frappait pas un ennemi à terre, mais une superstition encore debout et qui portait la tête haute. »

Voici, d’autre part, comment Charles Jourdain conclut[2] ce qu’il a écrit de la lutte soutenue par Nicole Oresme « contre les pratiques superstitieuses répandues en France au xiv. » :

« Le récit de cette lutte, curieuse en elle-même, gagnerait sans doute en intérêt si elle avait porté plus de fruits, et si les préjugés combattus par l’Évêque de Lisieux avaient cédé devant les efforts persévérants de sa logique et de son savoir. Mais il n’eut pas la consolation de se dire, en mourant, qu’il les avait vaincus. Lorsqu’il s’éteignit, le 11 juillet 1382, l’Astrologie judiciaire était aussi cultivée, aussi florissante qu’au siècle précédent ; peut-être même avait-elle vu s’accroître plutôt que diminuer le nombre de ses adeptes. Le peuple comme les grands,

  1. Francis Meunier, Essai sur la vie et les ouvrages de Nicole Oresme, Paris, 1857 ; pp. 57-58.
  2. Charles Jourdain, Nicolas Oresme et les astrologues de la cour de Charles V (Revue des Questions historiques, t. XVIII, 1875, p. 159).