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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Pierre d’Auvergne expose son sentiment dans ce qu’il a écrit pour terminer le commentaire au De Cælo que son maître Thomas d’Aquin avait laissé inachevé

Pierre d’Auvergne nous apprend donc que certains disent ceci : « Les corps graves ou légers sont mus par l’agent qui les a produits non pas immédiatement, mais par l’intermédiaire d’une certaine force (virtus) qu’il leur a communiquée lorsqu’il les a engendrés. » C’est cette force, qui reçoit le nom de gravité (gravitas) ou légèreté (levitas), équivalents à ceux de βαρυντικόν, κουφιστικόν par lesquels Aristote désignait le principe actif du mouvement naturel.

Pierre d’Auvergne trouve oiseux d’introduire cette force, gravité ou légèreté, à côté de la forme substantielle du corps grave ou léger. Il lui semble que cette forme suffit à jouer le rôle de principe actif de mouvement, que l’on voudrait réserver à la force de gravité ou de légèreté. En tant que par sa forme, un corps est un grave en acte, il est le moteur de sa propre chute ; en tant que, par cette même forme, il est en puissance d’un certain lien naturel qui est le centre du Monde, il est le mobile de cette même chute. « Il apparaît donc que le principe actif du mouvement que les corps graves ou légers en acte prennent, une fois l’obstacle écarté, principe qui est le moteur proprement dit (movens per se), c’est le corps grave ou léger lui-même, existant en acte ; et le principe par lequel le corps grave ou léger produit ce mouvement, c’est la forme substantielle grave (gravitas) ou légère (levitas) qui réside en ce corps par l’action de l’agent qui l’a primitivement engendré. D’autre part, les corps graves ou légers sont mus en tant qu’ils sont graves ou légers par la forme de gravité ou de légèreté ; mais ils sont mus non pas directement en tant qu’ils possèdent ces formes, mais directement en tant qu’ils sont en puissance de leurs lieux propres, ce qui leur arrive par accident », car c’est par accident qu’ils ne sont pas en ces lieux. « Ils sont donc, d’eux-mêmes, leurs propres moteurs, tandis que s’ils sont les mobiles de la chute, c’est pas accident. Ideo per se movent se, per accidens antem moventur. »

1. Libri de celo et mundo Aristotelis cum expositione Sancti Ti-iome de aquino. et cum additione Pétri de alvernia. Colophon : Uenetijs mandato et sumptibus Octaviani Scoti Civis modoetiensis. Per Bonetum Locatellum Bergomensem. Anno a saluti fero partu virginal ! nonagesimoquinto supra millesinum ac quadringentesimum. .. Lib. IV, comm. 25 : Dubitabit autem aliquis… fol. sign. K. 1, col. d et fol. sign. K. 2, col. a et b.