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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

son compte en un autre passage[1] où, plus conséquent avec lui-même, il attribue au lieu une vertu attractive analogue à celle de l’aimant : « Le mouvement naturel rectiligne », écrit-il, « lorsqu’il se produit en un milieu uniforme, est plus rapide à la fin qu’au commencement… Nous disons : lorsqu’il se produit en milieu uniforme ; dans ce cas, en effet, la résistance demeure constante tandis que la puissance augmente sans cesse. Si le milieu n’était pas uniforme, s’il offrait à la fin une résistance plus grande qu’au commencement, il se pourrait que ce mouvement fût aussi lent ou même plus lent à la fin qu’au commencement. Si l’on demande quelle est la cause de cette accélération, on répondra qu’elle provient d’une vertu attractive du lieu ; naturellement, ce lieu attire d’autant plus puissamment le corps qu’il peut loger que ce corps est plus proche ; de même, l’aimant attire un morceau de fer avec d’autant plus de vitesse que ce fer est plus proche. »

Notre auteur semble, d’ailleurs, ne pas craindre la contradiction, car un peu plus loin[2], nous l’entendons poser cette affirmation : « On ne peut pas dire que les lieux meuvent par attraction, comme l’aimant attire le fer ; en effet, s’il en était ainsi, un corps tomberait d’autant plus lentement qu’il est plus lourd. »


B. La pluralité des Mondes


Le problème de la pluralité des Mondes a fourni à Jean le Tourneur une des occasions où il a parlé de la chute accélérée des graves. Ce problème, il le traite[3] exactement suivant la même méthode qu’Aristote, et ses conclusions sont celles du Philosophe.

« Première conclusion : S’il y avait plusieurs mondes, la terre de l’un de ces mondes se mouvrait naturellement vers le centre d’un autre, et le feu du premier vers le lieu propre au feu du second…

» Seconde conclusion : Il n’y a pas plusieurs mondes,… car s’il y en avait plusieurs, la terre de l’un se porterait au centre de l’autre ; elle monterait donc naturellement, ce qui est impossible. »

  1. Joannis Versoris Op. laud., lib. II, quæst. VIII ; éd. cit., fol. XXVIII, col. a.
  2. Joannis Versoris Op. laud., lib. IV, quæst. t. IV ; éd. cit., fol. II, col. b.
  3. Joannis Versoris Op. laud., lib, I, quæst. XII ; éd. cit., fol. XIII, col. b, c et d.