Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

qu’elle reçoit, la matière tient sa définition et sa limite. Au contraire, le premier Être est infini des deux façons, par en haut comme par en bas… Les substances intellectuelles sont infinies par en bas, car ce sont des formes non limitées par une matière en laquelle elles seraient reçues ; mais elles sont finies par en haut, car leur existence est reçue en leur nature, en sorte que cette existence ne peut excéder une certaine limite de vertu. »

Ces considérations, comme plusieurs autres opinions de l’auteur, s’inspirent du Livre des Causes[1] qui, parfois, est cité[2] ; mais la doctrine du Livre des Causes est ici, comme il advient souvent au commentaire de Saint Thomas d’Aquin, sollicitée dans le sens de la Métaphysique d’Avicenne.

Faut-il admettre, avec Aristote, que le nombre des Intelligences séparées est exactement le même que le nombre des orbes célestes ? « Non ; outre les substances qui meuvent les orbes célestes, il en faut admettre plusieurs autres[3]

» On trouve, en premier lieu, des substances intellectuelles qui sont unies à des corps comme une forme l’est à une matière, bien que l’existence d’une telle substance intellectuelle ne dépende pas du corps auquel elle est unie ; c’est ce qu’on voit en l’âme raisonnable.

» On peut trouver, en second lieu, d’autres substances intellectuelles plus nobles ; elles ne sont point unies à des corps comme une forme est unie à une matière, mais seulement comme un moteur l’est à son mobile ; telles sont les substances intellectuelles qui meuvent les orbes célestes.

» Mais comme la substance intellectuelle ne dépend pas du mobile, on peut trouver encore des substances intellectuelles qui n’aient contracté avec des corps ni l’union d’une forme avec une matière ni l’union d’un moteur avec son mobile ; ce sont des substances intellectuelles plus nobles que les précédentes ; elles ne s’occupent point des mouvements des Cieux ; elles sont exclusivement consacrées à la spéculation et à la contemplation…

» Les mouvements célestes peuvent-ils avoir tous pour cause la première Intelligence ou bien le premier Principe ? L’opinion

  1. Voir : Tome IV, pp. 334-335.
  2. Joannis Versoris Op. laud., lib. XII, quæst. XVI, ad rationes ; éd. cit., fol. CIX, col. a.
  3. Joannis Versoris Op. laud., lib. XII, quæst. X, conclusio et ad rationes ; éd. cit., fol. CVI, col. a et b.