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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Dans le domaine des nombres, l’unité est un minimum absolu ; il n’y a pas de nombre plus petit que un. Il existe donc aussi un maximum absolu, qui doit être identique au minimum absolu ; et, en effet, ce maximum absolu est tel qu’il n’existe aucun nombre plus grand que lui ; partant, il n’est pas susceptible de multiplication, il est nécessairement unique.

L’unité, minimum absolu de tous les nombres, n’est pas un nombre, mais elle est le principe de tous les nombres ; elle en est aussi la fin, puisqu’elle est identique au maximum absolu.

Ce que nous venons de reconnaître dans le domaine des nombres demeure vrai dans tout autre domaine[1].

Par cela même que des choses sont finies, la série selon laquelle elles s’ordonnent doit être comprise entre deux termes, un terme initial et un terme final, un minimum absolu et un maximum absolu.

Ce maximum absolu n’est pas un des objets dont il termine la série, car en parcourant cette série, on le pourrait atteindre d’une manière actuelle ; tandis que, dans l’énumération d’objets finis, dn ne saurait jamais, d’une manière actuelle, atteindre un objet tel qu’il n’en existe un plus grand.

Sans être aucun de ces objets, le maximum absolu est leur fin à tous ; identique, d’ailleurs, au minimum absolu, il est aussi, de tous ces objets, le commun principe.

Ce maximum est tout ce qu’il peut être ; il ne peut donc être multiplié, il ne peut devenir nombre ; il est nécessairement un.

De cette affirmation, il faut comprendre toute la portée[2].

En tout ordre de choses, il existe un maximum absolu, identique au minimum absolu ; il existe un maximum de quantité, un de substance, un de qualité, et ainsi de suite. Mais ce ne sont pas des maxima distincts ; dans son unité parfaite, bien qu’incompréhensible le même être est maximum absolu en tout ordre de choses, en nombre, en substance, en grandeur, en qualité ; en tout ordre de choses, il est aussi le minimum absolu ; il est le principe et la fin de tout.

« Il est[3] donc l’unité absolue à laquelle rien ne s’oppose ; il est le maximum absolu qui est le Dieu béni. »

  1. {{|Nicolai de Cusa}} {{Op. laud.|cap}}, lib. I, cap. VI ; éd. cit., t. I, p. 4-5.
  2. {{|Nicolai de Cusa}} {{Op. laud.|cap}}, lib. II, cap. III ; éd. cit., t. I, p. 26.
  3. {{|Nicolai de Cusa}} {{Op. laud.|cap}}, lib. I, cap. V ; éd. cit., t. I, p. 4.