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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

tien, et Dieu est en toutes choses, car la création n’est que le développement de Dieu. Voilà les deux affirmations dont l’Ignorance savante va s’efforcer de plus en plus de pénétrer la profondeur et de ramener au jour le sens caché[1].

Les choses contractées, qui sont la création, tiennent tout leur être de Dieu ; aussi cet être imite-t-il l’être de Dieu autant que sa nature le comporte.

Dieu est le maximum absolu et l’unité parfaite ; dans cette unité, toutes les distances, toutes les divisions, toutes les contradictions se changent et se fondent en union. L’Univers est l’image contractée de ce maximum absolu et de cette unité absolue ; il n’est pas maximum absolu, mais maximum contracté, car il ne comprend pas toutes choses, mais seulement toutes choses hors Dieu, toutes choses créées.

Le maximum absolu, c’est l’unité parfaite, exempte de toute pluralité ; en lui, toutes choses se trouvent impliquées, mais dans une union complète, qui exclut toute division, toute distinction. L’Univers est un, lui aussi, mais d’une unité contractée qui n’exclut pas toute pluralité, qui se résout, au contraire, en pluralité ; et de même que son unité se contracte en pluralité, sa simplicité se contracte en composition, son éternité se contracte en succession, et ainsi de suite.

De plus près encore, examinons comment l’Univers un se résout dans la pluralité des choses concrètes ou contractées.

L’essence (quidditas) de Dieu, c’est d’être absolu ; partant, il existe dans une unité parfaite. L’essence de l’Univers, c’est d’être contracté ; c’est-à-dire qu’il ne peut être réalisé, à moins de se condenser et de se pulvériser, pour ainsi dire, en objets particuliers.

L’Univers est dans chacune des choses contractées comme une abstraction est dans chacun des objets concrets qui servent à la former. L’humanité n’est ni Socrate ni Platon ; mais en Socrate, l’humanité abstraite est réalisée d’une manière concrète par Socrate, dans Platon, elle l’est par Platon. De même, l’Univers n’est ni le Soleil ni la Lune ; mais, dans le Soleil, il est ce que le Soleil contient d’universel, dans la Lune, ce que la Lune a d’universel.

L’Univers est ainsi dans chaque chose créée particulière ; il y est ce que cette chose possède d’universel, ce qui reste de

  1. Nicolai de Cusa De docta ignarantia, lib. II, cap. IV ; loc. cit., t. I, p. 27-28.