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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

fait appel pour expliquer la perpétuité du roulement : « Lorsqu’un corps parfaitement rond aura commencé à se mouvoir… il ne s’arrêtera jamais, car il ne peut se comporter de façon variée. Un corps qui se meut, en effet, ne s’arrêterait jamais, s’il ne se comportait pas tantôt d’une façon et tantôt d’une autre. La sphère, donc, qui sur une surface bien plane et bien égale, se comporte toujours de semblable façon, une fois mise en’mouvement. se mouvra toujours. »

La loi de l’inertie n’est donc pas, pour Nicolas de Cues, un principe applicable à tous les corps ; c’est un privilège de la figure circulaire, « de la forme de la rondeur, qui est la plus apte à la perpétuité du mouvement. »

Voici, en effet, quelles conséquences entraîne cette figure.

Lorsqu’un impetus est communiqué à quelque corps dont le contour n’est pas exactement circulaire, comme cette figure n’est pas parfaitement apte au mouvement, l’impetus est, dans le mobile, accidentel et violent ; il périt donc au bout d’un certain temps, puisque rien de violent n’est perpétuel. Moins la figure du mobile s’écarte de la rondeur, moins l’impetus est accidentel. Si le mobile, enfin, est exactement sphérique, sa figure étant devenue la plus propre au mouvement, l’impetus qui tend à le faire tourner autour de son centre cesse d’être accidentel ; il devient naturel ; il devient une forme motrice analogue à la pesanteur ; et de même que, dans un corps pesant, le moteur et le mobile ne font qu’un, de même ici, nous ne devrons plus distinguer l’impetus qui meut et la sphère qui est mue ; la sphère se mouvra elle-même.

Telle est la doctrine qu’expriment clairement ces propositions :

« La forme de la rondeur[1] est la plus propre à la perpétuité du mouvement ; si le mouvement lui advient naturellement, il ne cessera jamais. Si donc elle se meut sur elle-même, de telle façon qu’elle soit le centre de son propre mouvement, elle se mouvra perpétuellement. »

« Observez de quelle façon l’aptitude au mouvement réside dans la rondeur[2]. Plus un corps est rond, plus aisément il se meut. Si donc la rondeur était maximum, s’il ne pouvait y avoir rondeur plus grande, assurément, elle se mouvrait par elle-même, elle serait, tout à la fois, moteur et mobile. »

  1. Nicolas de Cues, loc. cit. ; éd. cit., t. I, p. 213.
  2. Nicolas de Cues, loc. cit. ; éd. cit., t. I, p. 214.