Page:Duhem - Le Système du Monde, tome X.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

» Pourquoi donc les théologiens de notre temps sont-ils appelés sophistes, bavards et même toqués ? Uniquement pour la raison que voici : Ce qui serait utile et intelligible, étant donnée la qualité de leurs auditeurs, ils le délaissent pour s’adonner à la pure Logique ou à la pure Métaphysique, voire même à la Mathématique ; alors, en un temps et en un lieu où cela n’a que faire, tantôt, ils traitent de l’intensité des formes, tantôt de la division du continu ; aujourd’hui, ils exposent des sophismes que voilent à peine des termes théologiques ; demain, ils distingueront, dans les choses divines, des priorités, des mesures, des durées, des instants, des signes de nature et autres semblables notions. Quand même tout cela serait vrai et solide, ce qui n’est point, cela ne servirait, le plus souvent, qu’à bouleverser l’esprit des auditeurs ou à exciter leur hilarité, mais point à en édifier la foi avec rectitude. »

Ces pensées étaient constamment présentes à l’esprit de Gerson ; maintes fois il y revient dans ses divers ouvrages. Adresse-t-il, par exemple, des conseils aux écoliers du Collège de Navarre ? Il leur recommande[1] d’étudier « les questions que les docteurs ont composées sur les sentences, et surtout les questions de ceux qui ont écrit de la façon la plus pure et la plus solide. Parmi ceux-ci, à mon sens, on doit compter Guillaume d’Auxerre, Saint Bonaventure et Durand de Saint-Pourçain, le Doctor resolutissimus. Henri de Gand est excellent dans ses Quolibets ; excellent Saint Thomas, surtout dans la Secunda secundæ ; une foule d’autres auteurs excellent en une foule d’autres livres ; une seule chose me déplaît ; c’est qu’en les recouvrant de termes théologiques, ces auteurs ont mêlé à leurs écrits des discussions purement physiques ou métaphysiques, voire même, chose plus honteuse, purement logiques. »

« On doit, dit-il encore[2], permettre à quelques religieux de s’enquérir des doctrines scolastiques qu’il est habituel de traiter à propos des Sentences.

» Si l’on me demande, d’ailleurs, celui qui, parmi les docteurs,

  1. Joannis Gerson Epistola quid et qualiter studere debeat novus theologiæ auditor, ad studentes Collegii Navarræ. (Joannis Gerson Operum Pars I, éd. cit., XVIII, T.)
  2. Joannis Gerson Tractatus de examinatione doctrinarum. Pars II. Aliquæ considerationes quoad tres modos reliquos. (Joannis Gerson Operum Pars I, éd, cit., XVIII, N.)