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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

des définitions de noms. En outre, ceux qui changent les termes admis par leurs pères font que les autres n’entendent rien au langage qu’ils ont fixé d’un mutuel accord. Qu’en résulte-t-il ? Une babelienne confusion des langues dans la construction de la tour de la Science.

» Ceux qui, de notre temps, sont partis, en Théologie, à la conquête de la vérité ont, sous l’apparence de la subtilité et sous le titre de Métaphysique, introduit une excessive confusion ; ils ont laissé de côté la commune Logique qu’Aristote et ses sùccesseurs avaient enseignée ou gardée ; soit par ignorance de la Logique, soit par négligence et mépris de cette science, soit par suite du désir de se faire un nom en inventant des nouveautés, ils se sont mis à faire usage de termes nouveaux ; et, pendant ce temps, ceux qui leur résistent sont, par eux nommés gens grossiers et Terministes, qui ne sont pas réalistes en Métaphysique ; comme s’il était possible à ces métaphysiciens de parler sans se servir de termes ! »

La lutte contre les Nominalistes, adeptes fervents de la Logique, était devenue, de la part des Scotistes, une guerre déclarée à la Logique elle-même. Gerson ne cesse de combattre cet excès et de montrer la nécessité où se trouve le métaphysicien et le théologien d’étudier la Logique.

Voici, par exemple, le dialogue qu’il suppose entre un disciple et son maître[1] :

« Le Disciple. — Que parlez-vous de Logique ? De notre temps, les hommes d’étude la tiennent pour vile ; par dérision, ils la nomment terministe, parce qu’elle rapporte tout aux termes. Nous, disent-ils, c’est la chose que nous cherchons, c’est à la chose que nous allons ; qu’avons-nous à faire des termes ?

» Le Maître. — À ces propos, voici ce qu’avec beaucoup de gravité eût répondu jadis notre illustre précepteur : C’est ce qu’ont pensé, c’est ce que pensent nombre de gens qui s’embarrassent à plaisir, et d’inextricable façon, du souci des erreurs ; ces erreurs, la Logique seule les sait et les peut résoudre, en établissant des définitions et des divisions, en exposant ce que les termes connotent et quelles en sont les significations, en mettant à nu, enfin, les paralogismes par lesquels les sophismes séduisent L’imagination.

  1. Johannis Gerson Super Magnificat secundus tractatus dragmaticus. (Johannis Gerson Opera, éd. cit., pars III, LXXXI, T.)