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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

l’immobilité absolue est nécessaire de nécessité logique, et ce corps est la terre. Notre auteur ne regarde comme absurde, ni que la terre puisse être animée d’un mouvement de rotation, ni que l’Univers entier puisse éprouver une translation.

Dès là que l’on renonce à poser dans le Monde un corps concret, immobile par essence, qui serve de terme de comparaison aux mouvements locaux des Cieux et des éléments, la Logique ne laisse plus ouverte qu’une seule voie, où il est nécessaire de s’engager ; il faut admettre que tous les mouvements locaux sont définis par comparaison à un certain corps abstrait, corps que les sens ne sauraient percevoir, mais au sujet duquel les théories de la Physique nous peuvent renseigner. C’est la voie qu’a suivie Damascius avec son disciple Simplicius, qu’ont suivie après eux les Terminalistes parisiens.

Paul de Venise ne veut pas marcher jusqu’au bout dans le chemin tracé par les adversaires d’Averroès ; entre ceux-ci et le Commentateur, il prétend suivre une direction intermédiaire ; il aboutit ainsi à un illogisme flagrant ; il propose de rapporter les mouvements locaux à un simple point mathématique, au centre indivisible du Monde.

De 1409 à 1428, il ne cesse de reprendre et de développer cette doctrine ; il nous montre ainsi qu’il est bien piètre philosophe.


IV
LE MOUVEMENT ET LE TEMPS


En discutant les âpres problèmes qui ont trait au mouvement, Nicoletti ne se montrera, non plus, ni métaphysicien pénétrant, ni logicien rigoureux.

Ce ne sera pas faute d’érudition ; il ne se sera pas contenté de méditer les leçons d’Aristote et de son Commentateur ; des auteurs modernes, il aura lu les plus célèbres ; nous ne l’entendrons pas seulement citer Gilles de Rome et Walter Burley, dont les noms reviennent si souvent sous sa plume ; nous l’entendrons critiquer les opinions de Guillaume d’Ockam[1] et de Grégoire de Rimini[2], voire de John Wicleff[3] ; ce ne sera pas,

  1. Pauli Veneti Expositio super libros physicorum, lib. III, tract. I, cap. III, dubium secundum, fol. sign. p, col. b.
  2. Paul de Venise, ibid.
  3. Pauli Veneti Op. laud., cap. cit., dubium secundum, fol. sign., p, col. c.