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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

disciple de Pierre d’Ailly et de Jean Gerson ; de ce dernier, il garda toujours le souvenir le plus reconnaissant.

Bien souvent, sans doute, il avait, à l’exemple de ses maîtres, blâmé la façon dont on avait accoutumé de commenter les Sentences ; si vives avaient été ses critiques qu’un jeune bachelier en Théologie, Jean de Piémont, crut qu’il condamnait l’étude même de l’ouvrage de Pierre Lombard, et lui en écrivit. Nicolas répondit par son Liber de studio theologico[1], où il précisait sa pensée.

« Je m’étonne, disait-il, de voir les théologiens de notre temps lire avec tant de négligence les pages des Testaments divins et s’user l’esprit à la poursuite de je ne sais quelles stériles questions. Pour parler comme l’Apôtre, ils s’épuisent en questions et querelles de mots, ce qui convient à des sophistes, mais point à des théologiens. Qu’est-ce donc que de s’épuiser en questions et querelles de mots, et à quoi tendent ces paroles apostoliques ? Elles entendent reprendre ceux qui délaissent l’arbre fertile et fructueux des saintes Écritures pour chercher dans les bois et les landes stériles l’aliment de leur doctrine ; ils s’y épuisent, dit l’Apôtre, car ils n’y trouvent aucun fruit, en sorte que le jeûne et la faim les minent ; s’il leur arrive, d’aventure, d’y découvrir quelque fruit, il est semblable aux pommes de Sodome ; il offre, au dehors, une belle et séduisante apparence, mais si vous le cueillez, il se réduit en poussière et fumée. Au premier abord, en effet, tous «  ces sophismes semblent beaux, ingénieux, aiguisés, subtils ; mais si vous débrouillez l’enchevêtrement des paroles pour découvrir le fruit qu’elles renferment, ces sophismes s’évanouissent en fumée car, au dedans, il n’y avait que le vide. Voilà pourquoi il est écrit : Celui qui parle par sophismes est odieux…

» Les anciens Pères et théologiens dont les écrits sont approuvés par l’Église avaient accoutumé de ne rien dire, de ne rien composer qui ne se pût confirmer par le témoignage de l’Écriture. Aussi Saint Jérôme disait-il : Ce qui ne repose pas sur l’autorité des saintes Écritures se prouve ou se renverse avec la même facilité…

» Mais que voyons-nous aujourd’hui ? Ces témoignages

  1. Publié dans Luc d’Achery. Veterum aliquot Scriptorum qui in Galliæ bibliothecis, maximé Benedictorum, latuerant Spicilegium, Parisiis, 1653-1677 ; t. VII, pp. 138 s. Les passages que nous citons se trouvent dans P. Féret, Op. laud., t. cit., p. 284, en note, et Launoii Op. laud., Cap. X, éd. cit., pp. 100-101.