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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

contraire, a besoin du Ciel, car elle en reçoit l’influence. Or il est raisonnable que ce qui a besoin d’une chose se meuve pour la posséder. Puis donc que la terre a besoin du Ciel, et que le Ciel n’a pas besoin de la terre, il est plus raisonnable, semble-t-il, d’obliger la terre à se mouvoir d’un mouvement de rotation pour posséder l’influence du Ciel que de faire tourner le Ciel pour donner cette influence à la terre.

» Seconde raison : Au gré d’Aristote, l’être qui se trouve en excellent état n’a besoin d’aucune action, et l’être dont l’état est voisin de l’excellence n’a besoin que d’une faible action. Or, parmi tous les corps, la huitième sphère est celui dont l’état est excellent ou presque excellent. Il est donc plus raisonnable de voir la terre se mouvoir que la huitième sphère.

» Item. Le repos est condition plus noble que le mouvement ; il faut donc attribuer le repos à la huitième sphère et le mouvement à la terre ; le raisonnement tient, car la huitième sphère est le corps le plus noble, et la condition la plus noble, c’est celle du corps le plus noble ; quant à la prémisse, elle est évidente ; le repos, en effet, est la fin à laquelle tend le mouvement local ; et la fin est plus noble et plus parfaite [que ce qui tend vers elle].

» Mais, contre cette opinion, on argumente, tout d’abord, en invoquant l’autorité du Philosophe.

» En second lieu, on raisonne ainsi : Si la terre tournait d’Occident en Orient, nous devrions percevoir que l’air nous résiste ; en effet, lorsqu’un homme court, il perçoit fort bien que l’air lui résiste ; il en serait de même dans le cas considéré ; la terre se mouvant très vite, nous devrions percevoir que l’air nous résiste ; et c’est le contraire qui est vrai.

» On argumente encore par cette raison, qui est d’Aristote : Si, à l’aide d’un arc, on tirait une flèche verticalement vers le haut, elle ne devrait pas retomber à l’endroit d’où elle a été tirée ; mais cette conséquence est contraire à l’expérience.

» Mais les tenants de la susdite opinion répondent à ces raisons et, en premier lieu, à l’autorité d’Aristote ; Aristote, disent-ils, ne démontre pas cette conclusion [que la terre est immobile] ; il la pose seulement comme probable et ne fournit que des raisons probables.

» Touchant la seconde objection, ils nient que le raisonnement soit concluant, et en voici la cause : De même que la terre se meut d’un mouvement de rotation, de même en est-il de l’air ; nous n’avons donc pas à en percevoir la résistance.

» À la troisième objection, on répond que l’air transporte