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LA VILLE SANS FEMMES

Le fait est que ce monde qui nous enveloppe, que l’on s’approprie peu à peu, qu’on respire et qu’on absorbe sans s’en rendre compte, finit par devenir le maître de nos caractères et nous dicte ses habitudes aussi bien que ses exigences.

Vivre ici, dans cette promiscuité, c’est rompre peu à peu et de plus en plus avec certaines conventions sociales ; c’est en quelque sorte un retour à l’animalité ; c’est détourner le cerveau de sa fonction de penser. Nous sommes des Robinsons dont les qualités personnelles s’affirment sous l’aiguillon des nécessités. Le seul moyen de se sauver, de surnager malgré tout, c’est pour chacun de garder son esprit vivant par des exercices répétés. À cette condition seulement, l’épreuve, qui n’a rien de vraiment douloureux au point de vue matériel mais qui est lourde au point de vue moral et spirituel, peut devenir un excellent stimulant pour le caractère et transformer des êtres faibles, nerveux, instables et irascibles en hommes mûris capables de tenir le coup contre le mauvais sort et de surmonter victorieusement les grandes difficultés.

Dans la vie, tout est question de compréhension. Il nous faut d’abord admettre que ce n’est pas sans un motif valable que nous sommes ici. Acceptons la situation telle qu’elle se présente. L’heure viendra où tout s’éclaircira et nous apprécierons mieux ensuite le don magnifique de la liberté.

Ce dont on souffre le plus ici, ce sont les souvenirs. Nostalgie du passé. Marcel Proust se retrouve en chacun de nous. Chacun de nous fait minutieusement la recherche