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MARMITES ET MARMITONS

En réalité, quand il s’agit de manger, tout le monde agit de la même manière. Il y a des nuances, mais elles ne dépendent pas des classes dont sont issus les camarades. Les goinfres sont goinfres à tous les degrés de la fortune, sous toutes les latitudes et dans tous les partis politiques. De même que les insatiables, les timides ou les discrets.

Un jour de jubilation générale, ce fut celui où — après avoir été privés pendant longtemps de légumes frais — nous en reçûmes de chez nous, en même temps que la cantine se trouva en mesure de nous en vendre.

On eût dit la fête des couleurs, tellement les verts des salades, des piments et des concombres, et le rouge des tomates dominaient l’étendue du camp.

***

Après avoir ainsi satisfait à l’exigence première de l’existence, celle de la nourriture, un cigare, une cigarette ou la pipe à la bouche, d’aucuns vont « faire deux pas, rue Ste-Catherine » et d’autres se mettent à jouer…

Puis l’heure angoissante où il faut rentrer approche.

Le jour baisse.

C’est l’heure mélancolique où la nostalgie prend plus fortement, comme une morsure, et où tout ce qui monte du cœur aux lèvres n’a pour tout écho que la brise de la forêt dans laquelle on a l’impression d’être emmuré.