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LA VILLE SANS FEMMES

Je ravale mes pensées sombres et feins l’enjouement pour le consoler :

Où vas-tu ?

Nulle part… Où veux-tu que j’aille ?

Veux-tu me dire ce que tu as ?

Mais rien ! réplique-t-il d’une voix agacée.

Allons, allons, lui dis-je en capitulant le premier. Pourquoi aurions-nous honte l’un de l’autre ? Nous en sommes tous là…

Eh bien, oui ! avoue-t-il. Depuis cinq jours je n’ai pas de lettres de chez moi. Alors…

Je le prends par le bras. Sans un mot, nous nous acheminons vers l’autre bout du camp. La pluie a cessé. Le vent se lève de nouveau. Il fait froid. De loin, le chef de notre baraque nous fait de grands signes.

Je lève la voix :

Qu’y a-t-il ?

Du courrier pour vous ! crie-t-il à toute volée.

Mon ami et moi nous mettons à courir. C’est vrai ! Il y a deux lettres pour lui et trois pour moi.

Quelques secondes plus tard, l’un après l’autre, nous déployons fébrilement les feuilles de papier.

J’entends un rire mêlé d’un sanglot. C’est mon copain qui rit et pleure à la fois.

Sa lettre était du 28, m’explique-t-il, mais elle a été retardée… C’est pour cela que…

Il n’achève pas. Il est trop occupé à lire. D’ailleurs, je n’entends plus rien, puisque à mon tour je constate