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LA VILLE SANS FEMMES

son gros ventre qui touche presque le sol. Dehors, il n’y a que du blanc. Une cité de troncs nus sortant du sol couvert de neige.

L’histoire de « Don Juan » est brève. Mais très instructive. Et très morale, dans son immoralité.

Dès son adolescence, il a mené la vie débridée. Sans freins. Toujours à la recherche du nouveau. Toujours lassé dès que son caprice était satisfait.

Au fond, toutes ses aventures ne sont qu’un long récit, stupide et monotone, d’événements forgés sur le même moule. En somme, je me rends compte que ceux qu’on appelle les hommes à femmes, de même que les femmes qu’on dit à hommes ne sont pas des artistes.

Ils ne font, les uns et les autres, que se répéter, et appliquer invariablement la même formule.

Leur seule force consiste en ceci : ils ne s’attardent jamais à un insuccès. Dès qu’une conquête s’avère difficile ou impossible, ils l’abandonnent et se lancent dans la suivante, oubliant l’autre.

Ce n’est pas la vie de Don Juan Tenorio qui offre un intérêt quelconque. Mais son entrevue avec le commandeur.

Un jour, le « Don Juan » d’ici rencontre celle qui — consciente ou inconsciente — devait venger toutes les femmes venues avant elle.

— J’aurais pu… j’aurais dû l’aimer, celle-là, me dit-il. Mais le mauvais instinct me dominait encore. Plutôt que de me laisser aller franchement et librement au sentiment qui montait en moi et grandissait, je donnai la place à