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LA VILLE SANS FEMMES

sans compter le maire d’une grande ville, aussi député, quatre pasteurs protestants et un prêtre catholique ! Tout cela professant les opinions les plus diverses. Il y a, en effet, parmi nous, des fascistes et des nazis, des démocrates et des totalitaires, des communistes et des républicains, des royalistes et des nihilistes et pas mal de j’menfoutistes !

La Tour de Babel, quoi ! Il n’y a pas d’autre mot pour définir notre groupement.

Évidemment, dès le début, une sélection instinctive s’est opérée tout naturellement. D’abord de classes et de mentalités ; ensuite de religions et de goûts.

Les intellectuels ont vite fait de former une sorte de clan, où chacun trouve un peu de réconfort en échangeant des idées familières, en parlant un langage plus choisi. Les autres classes font de même. Les marins, surtout, restent unis et solidaires entre eux, comme sur la mer.

Les « hors-la-loi » ont rapidement reconstitué, par des voies mystérieuses et difficiles à déceler, leur hiérarchie professionnelle. Il y a parmi eux quelques chefs connus dans le monde de la pègre, et auxquels il suffit d’un clignement des yeux pour être immédiatement compris et obéis. Un jour, un prisonnier se disputa avec l’un d’eux et lui asséna un coup de poing dans le visage. Parmi tous les amis de ce dernier se dessina instantanément un mouvement de représailles contre celui qui avait osé frapper le camarade ! Il fallut l’intervention du sergent-major, qui