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LA VILLE SANS FEMMES

leur bateau, restent bien unis, tout au moins en apparence.

Cet équipage se compose surtout de Siciliens et de Napolitains et il comprend quelques Gênois. Beaucoup d’entre eux se plaignent que l’armateur n’ait pas pris les précautions nécessaires pour éviter leur emprisonnement et leur internement.

— Il y avait déjà huit jours que l’entrée en guerre de l’Italie semblait inévitable, s’écrie un petit cambusier. Il fallait donc lever l’ancre et reprendre immédiatement la mer. Au lieu de cela, on nous a fait rester inutilement à Montréal pour charger le bateau, de sorte qu’avant d’arriver à l’embouchure du fleuve, nous avons été pris… Tout cela pour permettre à l’armateur de toucher de grosses primes du gouvernement pendant toute la durée de la guerre…

Ces paroles reçoivent l’approbation du reste de l’équipage qui déverse sa rancune contre l’armateur, accusé par chacun d’avoir agi de la sorte exclusivement par esprit de lucre.

J’ai beau expliquer au petit cambusier, et aux autres, que si, au mois de juin 1940, ils avaient pu quitter le Canada et rentrer en Italie, ils auraient fatalement continué de naviguer et ils seraient, peut-être, à l’heure actuelle, au fond de la mer… Personne ne veut entendre raison. Le commandant du paquebot, un Ligurien mâtiné d’argentin, né à Buenos-Aires, d’une famille originaire de Gênes, est pris à parti à son tour. En vain, il essaie de calmer les esprits. Quand il se rend compte qu’il ne peut