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LA VILLE SANS FEMMES

Quant au commandant du camp, le premier colonel avec qui nous eûmes à faire, il était très strict dans l’exécution des ordres qu’il devait appliquer, mais il les appliquait avec un savoir-faire et un tact tout à fait particuliers.

En arrivant, il nous dit :

— J’ignore les raisons pour lesquelles vous êtes ici et d’ailleurs, elles ne me regardent pas. J’ai la mission de vous garder, et je vous garderai. Si vous voulez collaborer avec moi, je suis prêt à faire tout le possible pour vous rendre la vie agréable, facile, et même plaisante. Si vous ne voulez pas, je serai obligé de sévir. Et alors ce sera tant pis pour vous !

Ce discours — vrai modèle du fair-play britannique — porta son effet puisque tout le monde, à quelques exceptions près, se mit au travail dans le sens demandé par le colonel. Celui-ci avait deux marottes : l’incendie et l’évasion individuelle ou par groupes. Afin de prévenir ces deux éventualités, il multipliait ses inspections dans le camp à toute heure du jour et de la nuit.

Il arrivait parfois à l’hôpital sur le coup de deux heures du matin. Comme je passais une grande partie de mes nuits à lire ou à écrire, il s’étonnait de me voir debout à une heure si tardive. Croyant à un excès de zèle de ma part, il me grondait presque :

— Il ne faut pas veiller si tard !… Vous avez un gardien de nuit… Vous pouvez vous coucher tranquillement…

Je me gardais bien de le détromper et je murmurais effrontément :