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NOTRE VILLE

et quelques autres, pour transmettre des ordres et examiner les problèmes du camp. Cette assemblée forme en quelque sorte le conseil municipal du camp. Les passions, les heurts, les discussions et les prises de bec y sont quelquefois aussi vives et aussi violentes que dans de véritables conseils municipaux.

Je me rappelle l’attitude correcte du colonel du camp les quelques fois qu’il assista aux séances de notre conseil. L’existence même de cette institution n’est-elle pas extrêmement significative du respect qu’on observe pour la dignité humaine dans un pays civilisé comme le Canada ? Pour nous, c’était un réconfort de voir le commandant discuter de la façon la plus courtoise avec les internés les problèmes relatifs au bon fonctionnement et au bon entretien du camp.

Dans cette atmosphère de liberté relative, la camorra est agissante. L’égoïsme et la convoitise des uns battent allègrement en brèche la discrétion, la timidité ou la générosité des autres. Et chez nous comme au delà des fils de fer barbelés qui nous isolent, les maladroits sont « punis » pour les autres. L’autre jour, à la cuisine, un des aides avait, adroitement croyait-il, subtilisé des œufs crus qu’il avait cachés dans une poche de son pantalon. Il croyait pouvoir se dispenser de partager le fruit du larcin avec son camarade de travail. Celui-ci, par malheur pour le premier, avait la vue aussi vive que l’autre, la main. Quelques instants plus tard, il poussait nonchalamment une lourde poubelle vers la porte et, d’un geste soudain, l’appuyait