Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
SYMPHONIE EN VERT ET OR

teurs d’herbe traînent lourdement au ras du sol. Les mouches, ivres de lumière et de chaleur, ronflent des ailes et les guêpes, dont le corsage brille comme une armure d’or, bourdonnent incessamment.

Si fastidieuse que la chaleur puisse paraître par moments, elle est quand même le symbole de la vie. Un vieux Napolitain à la figure ridée et bronzée me disait tout à l’heure avec un petit sourire ironique :

— Je me moque de ceux qui se plaignent de l’été. Quand l’hiver approche, ils s’enrhument et ils toussent. Alors ils courent chez le médecin, qui, après les avoir auscultés, leur dit : « C’est la grippe. Prenez ces pilules, elles vous feront transpirer ! Cela coûte 3,00 $. » En été, on sue à l’œil et sans le secours des pilules.

J’ai suivi l’exemple de tout le monde. Habitué désormais à vivre dans le plus simple appareil, je m’adonne au plaisir de l’héliothérapie. Nous sommes des centaines de corps qui n’ont plus rien à cacher, qui brûlent, se tannent, cuisent au feu de la rôtissoire céleste.

À côté de moi, un camarade que l’on a surnommé l’ingénieur met au point un système à lui pour « avoir frais tout en ayant chaud ».

— Il me serait assez difficile d’expliquer mon système, avoue l’ingénieur, mais il atteint son but et c’est là l’essentiel.

Mais voici que des cris déchirent la somnolence de l’heure et atteignent rapidement le diapason le plus haut :

— Je l’ai vu moi-même !

— C’est faux !