Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/73

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Dès mon arrivée à la ville sans femmes, j’avais remarqué une construction à laquelle on parvenait par une allée ornée de troncs d’arbres disposés en forme d’arc et sur laquelle trônait une énorme croix rouge. C’était l’hôpital du camp, édifié exactement suivant le modèle de l’hôpital militaire bâti à l’extérieur des fils de fer et réservé exclusivement aux soldats.

Des Allemands arrivés au camp avant moi m’avaient dit non sans fierté :

— Vous devriez visiter l’hôpital. C’est notre œuvre ! Nous l’avons bâti nous-mêmes et il est certain qu’on ne peut faire mieux dans le genre.

Mais j’avais courtoisement décliné cette invitation, poussant même mon idiosyncrasie jusqu’au point de détourner mon regard de l’hôpital chaque fois que je passais devant.

J’avais toujours été ainsi. Le spectacle de la douleur ou de ce qui la représente avait toujours provoqué en moi ce curieux réflexe de fuite. La vue de la souffrance morale