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PHILIPPE.

Le Louvre.

BURIDAN.

À tes pieds ?

PHILIPPE.

La Seine.

BURIDAN.

Et autour de nous, la tour de Nesle.

PHILIPPE.

La tour de Nesle !

BURIDAN.

Oui, oui, la vieille tour de Nesle, au-dessous de laquelle on retrouve tant de cadavres.

PHILIPPE.

Et nous sommes sans armes ; car on vous a demandé en entrant votre épée comme on m’a demandé la mienne.

BURIDAN.

À quoi nous serviraient-elles nos épées ? il ne s’agit pas de nous défendre, mais de fuir. Voyez cette porte ?

PHILIPPE, secouant la porte de gauche.

Fermée… Ah ! écoute… Si je meurs et si tu vis, tu me vengeras.

BURIDAN.

Oui, et si je meurs et que tu vives, à toi la vengeance ; tu iras trouver ton frère Gaultier, ton frère qui peut tout ; tu lui diras… écoute, il faut écrire, il faut des preuves.

PHILIPPE.

Ni plume, ni encre, ni parchemin.

BURIDAN.

Voici des tablettes ; tu tiens encore cette épingle : sur ton bras il y a des veines et dans ces veines du sang ; écris, pour que ton frère me croie, si je vais lui demander vengeance pour toi ; écris, écris : j’ai été assassiné par… je mettrai le nom, moi, car je saurai qui, oui, je saurai qui… et signe ; si tu te sauves, fais pour moi ce que j’aurais fait pour toi. Adieu… Tâchons de fuir chacun de notre côté… Adieu…

PHILIPPE.

Adieu, frère ; à la vie… à la mort.
(Ils s’embrassent ; Philippe rentre dans l’appartement dont il est sorti. Buridan va pour essayer de sortir ; il recule devant Landry qui entre.)


Scène X.


BURIDAN, LANDRY.
BURIDAN.

Ah !

LANDRY.

Faites votre prière, mon gentilhomme.

BURIDAN.

Cette voix m’est connue.

LANDRY.

Mon capitaine !

BURIDAN.

Landry ! il faut me sauver, mon brave ; on veut nous assassiner… — (On entend un cri.) Un cri… Quel est ce cri ?

LANDRY.

C’est celui de votre troisième compagnon, qui est avec la troisième sœur… et qu’on égorge.

BURIDAN.

Tu ne me tueras point, n’est-ce pas ?

LANDRY.

Je ne puis vous sauver : je le voudrais cependant.

BURIDAN.

Cet escalier…

LANDRY.

Il est gardé.

BURIDAN.

Cette fenêtre…

LANDRY.

Savez-vous nager ?

BURIDAN.

Oui.

LANDRY, ouvrant la fenêtre.

Alors, hâtez-vous. Dieu vous garde !

BURIDAN, sur le balcon.

Seigneur, Seigneur, ayez pitié de moi !
(Il s’élance : on entend le bruit d’un corps pesant qui tombe dans l’eau.)

ORSINI, entrant.

Où est-il ?

LANDRY.

Dans la rivière… c’est fini.

ORSINI.

Il était bien mort ?

LANDRY.

Bien mort.

PHILIPPE, entrant à reculons et tout ensanglanté.

Au secours ! au secours, mon frère ! à moi, mon frère !

(Il tombe.)
MARGUERITE, entrant, une torche à la main.

Voir ton visage et puis mourir, disais-tu : qu’il soit donc fait ainsi que tu le désires ! — (Elle arrache son masque.) Regarde, et meurs !

PHILIPPE.

Marguerite de Bourgogne ! reine de France !

(Il meurt.)
LE CREUR, en dehors.

Il est trois heures. Tout est tranquille. Parisiens, dormez.