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CHARLOTTE.

Je dis, monseigneur, que je venais voir si la reine n’était pas dans cette salle.

GAULTIER.

La reine n’est point dans son appartement, elle n’est point ici, elle n’est point au palais… Oh ! mon Dieu ! mais ne sais-tu rien, enfant ? ne sais-tu rien qui puisse nous indiquer où elle pourrait être ?

CHARLOTTE.

Hier au soir elle m’a demandé sa mante pour sortir, et je ne l’ai pas revue depuis.

GAULTIER.

Tu ne l’as pas revue !… mais tu sais peut-être où elle allait… dis-le-moi ; que je coure sur ses pas ; que je sache ce qu’elle est devenue, que je la retrouve.

CHARLOTTE.

Je ne sais point où elle allait, monseigneur.

GAULTIER.

Écoute, ne crains rien ; si c’est un secret qu’elle t’a confié, dis-le-moi, car elle me confie à moi aussi tous ses secrets ; ne crains rien et répète-moi ce que tu sais, je lui dirai que je t’ai forcée de me le dire, et elle te pardonnera ; et moi, moi, Charlotte, tu me tireras un poignard du cœur ; n’est-ce pas, elle t’a dit où elle allait ?

CHARLOTTE.

Elle ne m’a rien dit, je vous le jure.

GAULTIER.

Oui, oui ! elle t’a recommandé la discrétion, tu fais bien, mon enfant, de la lui garder… mais moi, moi, tu sais, elle m’aurait dit comme à toi où elle allait ; dis-le-moi ; attends, désires-tu quelque chose que tu n’espérais pas obtenir dans ce monde ?

CHARLOTTE.

Je ne désire rien, que de savoir ce qu’est devenue la reine.

GAULTIER.

Demande ce que tu voudras, et dis-moi où elle est, car tu dois le savoir, n’est-ce pas ? demande ce que tu voudras ; des bijoux, je t’en couvrirai ; as-tu un fiancé pauvre ? je le doterai ; veux-tu l’avoir près de toi ? je le ferai entrer dans mes gardes ; ce que n’espérerait pas la fille d’un comte ou d’un baron, tu l’obtiendras… toi… sur une seule réponse… Charlotte, où est Marguerite ? où est la reine ?

CHARLOTTE.

Hélas ! hélas ! monseigneur, je ne sais pas, mais peut-être…

GAULTIER.

Dis ! dis !

CHARLOTTE.

Cet Italien, Orsini…

GAULTIER.

Oui, oui ! tu as raison, et j’y cours, Charlotte… Oh ! si elle revient en mon absence, oh ! dis-lui qu’elle m’accorde un instant avant la rentrée du roi ; tu la supplieras, n’est-ce pas ? tu lui diras que c’est moi, moi, son serviteur fidèle et dévoué, moi qui l’en prie ; tu lui diras que je suis au désespoir, que j’en deviendrai fou si elle ne me dit pas un mot, un mot qui me rassure et me console.

CHARLOTTE.

Sortez, sortez, voici qu’on ouvre les appartements.

GAULTIER.

Oui, oui.

CHARLOTTE.

Bon courage, monseigneur, je vais prier pour vous.

(Gaultier sort, et Charlotte rentre chez la reine.)



Scène II


SAVOISY, PIERREFONDS, seigneurs, puis SIRE RAOUL.
SAVOISY.

Vous n’êtes pas allé au-devant du roi, sire de Pierrefonds ?

PIERREFONDS.

Non, monseigneur ; si la reine y va, je l’accompagnerai ; et vous ?

SAVOISY.

J’attendrai notre sire ici : il y a sur la route une si grande affluence de peuple, que l’on ne peut y passer… Je ne veux pas me confondre avec tous ces manants.

PIERREFONDS.

Et puis, vous avez pensé que le véritable roi ne s’appelait pas Louis le Hutin, mais Marguerite de Bourgogne ; mieux valait faire sa cour à Marguerite de Bourgogne qu’à Louis le Hutin.

SAVOISY.

Peut-être y a-t-il quelque chose comme cela. — (À sire Raoul qui entre.) Bonjour ! baron, quelle nouvelle ?

SIRE RAOUL.

Que voici le roi qui vient, messeigneurs.

SAVOISY.

Et la reine ne paraît-elle pas ?

RAOUL.

La reine est allée au-devant de lui, elle rentre à sa droite.

LE PEUPLE, en dehors.

Vive le roi ! vive le roi !