Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/110

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criait. Les gardes françaises portèrent le fusil à l’épaule, ils firent un feu de file qui arrêta court les dragons.

— Eh ! messieurs les gardes, dit un officier allemand s’avançant sur le front de l’escadron en désordre, savez-vous que vous faites feu sur nous ? — Pardieu ! si nous le savons, dit Billot.

Et il fit feu sur l’officier, qui tomba.

Alors les gardes françaises firent une seconde décharge, et les Allemands, voyant qu’ils avaient à faire cette fois, non plus à des bourgeois fuyant au premier coup de sabre, mais à des soldats qui les attendaient de pied ferme, tournèrent bride et regagnèrent la place Vendôme au milieu d’une si formidable explosion de bravos et de cris de triomphe, que bon nombre de chevaux s’emportèrent et s’allèrent briser la tête contre les volets fermés.

— Vivent les gardes françaises ! cria le peuple. — Vivent les soldats de la patrie ! cria Billot. — Merci, répondirent ceux-là, nous avons vu le feu et nous voilà baptisés. — Et moi aussi, dit Pitou, j’ai vu le feu. — Eh bien ? demanda Billot. — Eh bien ! je trouve que ce n’est pas aussi effrayant que je me le figurais. — Maintenant, dit Billot, qui avait eu le temps d’examiner la carabine, et qui avait reconnu une arme d’un grand prix, maintenant, à qui le fusil ? — À mon maître, dit la même voix qui avait déjà parlé derrière lui. Mais mon maître trouve que vous vous en servez trop bien pour vous la reprendre.

Billot se retourna et aperçut un piqueur à la livrée du duc d’Orléans.

— Et où est-il, ton maître ? demanda-t-il.

Le piqueur lui montra une jalousie entr’ouverte derrière laquelle le prince venait de voir tout ce qui s’était passé.

— Il est donc avec nous, ton maître ? demanda Billot. — De cœur et d’âme avec le peuple, dit le piqueur. — En ce cas, encore une fois, vive le duc d’Orléans ! cria Billot. Amis, le duc d’Orléans est pour nous, vive le duc d’Orléans !

Et il montra la persienne derrière laquelle se tenait le prince.

Alors la persienne s’ouvrit tout à fait, et le duc d’Orléans salua trois fois.

Puis la persienne se referma.

Si courte qu’elle eût été, l’apparition avait porté l’enthousiasme à son comble.

— Vive le duc d’Orléans ! vocifèrent deux ou trois mille voix. — Enfonçons les boutiques d’armuriers, dit une voix dans la foule. — Courons aux Invalides ! crièrent quelques vieux soldats. Sombreuil a vingt mille fusils — Aux Invalides ! — À l’hôtel de ville ! exclamèrent plusieurs voix, le prévôt des marchands, Flesselles, a les clés du dépôt des