Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/146

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qu’ il eût montré l’ordre du roi qui le mandait à Versailles, et que l’on ramenait de force à l’hôtel de ville.

— Des armes ! des armes ! criait-on de toutes parts quand on l’aperçut.

— Des armes, dit-il, je n’en ai pas, mais il doit y en avoir à l’Arsenal.

— À l’Arsenal ! à l’Arsenal ! cria la foule.

Et cinq ou six mille hommes se ruèrent sur le quai de la Grève.

L’Arsenal était vide.

Ils revinrent vociférant à l’hôtel de ville !

Le prévôt n’avait point d’armes, ou plutôt ne voulait pas en donner.

Pressé par le peuple, il eut l’idée de les envoyer aux Chartreux.

Les Chartreux ouvrirent leurs portes ; on fouilla partout ; on ne trouva pas un pistolet de poche.

Pendant ce temps Flesselles, apprenant que Billot et Marat étaient encore dans les caves de l’hôtel de ville et faisaient leur distribution de poudre, Flesselles proposa d’envoyer une députation d’électeurs à de Launay, pour lui proposer de faire disparaître ses canons.

Ce qui, la veille, avait le plus cruellement fait hurler la foule, c’étaient ces canons qui allongeaient leur cou à travers les crénaux. Flesselles espérait qu’en les faisant disparaître, le peuple se contenterait de cette concession et se retirerait satisfait.

La députation venait de partir quand le peuple revint furieux. Aux cris qu’il poussait. Billot et Marat montèrent jusque dans la cour. Flesselles, d’un balcon inférieur, essayait de calmer le peuple. Il proposait un décret qui autorisât les districts à faire forger cinquante mille piques.

Le peuple était prêt d’accepter.

— Décidément cet homme trahit, dit Marat.

Puis, se retournant vers Billot :

— Allez faire à la Bastille ce que vous avez à y faire, dit-il. Dans une heure, je vous y enverrai vingt mille hommes avec chacun un fusil. Billot avait du premier coup pris grande confiance dans cet homme, dont le nom était si populaire qu’il était arrivé jusqu’à lui. Il ne lui demanda pas même comment il comptait se les procurer. Un abbé se trouvait là, partageant l’enthousiasme général, criant, comme tout le monde : A la Bastille ! Billot n’aimait pas les abbés ; mais celui-ci lui plut. Il le chargea de continuer la distribution, le brave abbé accepta. Alors, Marat monta sur une borne. Il se faisait un tumulte effroyable.

— Silence ! dit-il, je suis Marat, et je veux parler. Chacun se tut connue par magie, et tous les yeux se tournèrent vers l’orateur.

— Vous voulez des armes ? dit-il. — Oui ! oui ! répondirent des mil-