Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/180

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— Troisième bertaudière ? dit Billot. — Par ici, Monsieur, dit le geôlier ; mais je n’ai plus les clés. — Où sont-elles ? — Ils me les ont prises. — Citoyen, prête-moi ta hache, dit Billot à un faubourien. — Je te la donne, répondit celui-ci ; je n’en ai plus besoin puisque la Bastille est prise.

Billot saisit la hache et s’élança dans un escalier, conduit par le geôlier. Le geôlier s’arrêta devant une porte.

— Troisième bertaudière ? demanda-t-il. — Oui. C’est ici. — Le prisonnier que renferme cette chambre s’appelle le docteur Gilbert ? —Je ne sais pas. — Arrivé depuis cinq ou six jours seulement ? — Je ne sais pas. — Eh bien ! dit Billot, je vais le savoir, moi.

Et il entama la porte à grands coups de hache.

Elle était de chêne, mais sous les coups du robuste fermier le chêne volait en éclats.

Au bout d’un instant le regard put pénétrer dans la cellule.

Billot appliqua son œil par l’ouverture. Par l’ouverture, son regard plongea dans la prison.

Dans la ligne du rayon de jour qui pénétrait dans le cachot par la fenêtre grillée de la tour, un houune était debout, un peu renversé en arrière, tenant à la main une des traverses arrachées à son lit, dans l’attitude de la défense.

Cet homme se tenait évidemment prêt à assommer le premier qui entrerait.

Malgré sa barbe longue, malgré son visage pâle, malgré ses cheveux coupés courts. Billot le reconnut. C’était le docteur Gilbert.

— Docteur ! docteur ! s’écria Billot, est-ce vous ? — Qui m’appelle ? demanda le prisonnier. — Moi, moi. Billot, votre ami. — Vous, Billot ?

— Oui ! oui! lui ! lui ! — Nous ! nous ! crièrent vingt voix d’hommes qui s’étaient arrêtés sur le palier aux coups terribles que frappait Billot. — Qui, vous ? - Nous, les vainqueurs de la Bastille ! La Bastille est prise, vous êtes libre ! — La Bastille est prise ! je suis libre ! s’écria le docteur. Et passant ses deux mains par l’ouverture, il secoua si fortement la porte que les gonds et la serrure parurent prêts à se desceller, et qu’un pan de chêne, déjà ébranlé par Billot, craqua, se rompit, et resta aux mains du prisonnier.

— Attendez, attendez, dit Billot, qui comprit qu’un second effort pareil au premier épuiserait ses forces un instant surexcités ; attendez. Et il redoubla ses coups.

En effet, à travers l’ouverture qui allait s’agrandissant, il put voir le prisonnier qui était retombé assis sur son escabeau, pâle comme un spectre et incapable de soulever cette traverse de bois gisante près