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XXX

UN ROI ET UNE REINE


La reine, après un coup d’œil donné autour d’elle, reçut le salut de son époux et le lui rendit amicalement.

Puis il lui tendit la main.

— Et à quel bon hasard, demanda Marie-Antoinette, dois-je le plaisir de votre visite ? — À un vrai hasard, vous dites bien, Madame ; j’ai rencontré Charny qui m’a appris qu’il allait, de votre part, dire à tous nos belliqueux de se tenir tranquilles. Cela m’a fait si grand plaisir, que vous ayez pris une si belle resolution, que je n’ai pas voulu passer devant votre appartement sans vous remercier. — Oui, dit la reine, j’ai réfléchi en effet, et j’ai pensé que, décidément, mieux valait que vous laissiez les troupes en repos, et ne donniez pas prétexte aux guerres intestines. — Eh bien ! à la bonne heure, dit le roi, je suis enchanté de vous voir de cet avis. Je savais bien d’ailleurs que je vous y ramènerais. — Votre Majesté voit qu’elle n’a pas eu grand peine à arriver à ce but, puisque c’est en dehors de son influence que je me suis décidée. — Bon ! cela prouve que vous êtes à peu près raisonnable, et quand je vous aurai communiqué quelques réflexions, vous le serez tout à fait. — Mais si nous sommes du même avis, sire, ces réflexions me paraissent tout à fait inutiles. — Oh ! soyez tranquille. Madame, ce n’est point une discussion que je veux entamer ; vous savez bien que je ne les aime pas plus que vous ; ce sera une conversation. Voyons, est-ce que vous n’êtes pas aise de causer de temps en temps avec moi des affaires de la France, comme deux bons époux font des choses de leur ménage ?

Ces derniers mots furent prononcés avec cette bonhomie parfaite que Louis XVI avait dans la familiarité.

— Oh ! sire, au contraire, toujours, répondit la reine ; mais le moment est-il bien choisi ? — Mais je crois qu’oui. Vous désirez qu’on n’entame pas les hostilités, m’avez-vous dit là tout à l’heure, n’est-ce pas ? — Je vous l’ai dit. — Mais vous ne m’avez pas exposé votre raison. — Vous ne me l’avez pas demandée. — Eh bien ! je vous la demande. — L’impuissance ! — Ah ! vous voyez bien ; si vous espériez être la plus forte, vous feriez la guerre. — Si j’espérais être la plus forte, je brûlerais Paris. — Oh ! que j’étais bien sûr que vous ne vouliez pas la guerre