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mémoires d’un médecin.

dimanches complétât la somme de vingt-quatre livres, chiffre auquel, ainsi que nous l’avons expliqué, la susdite somme subissait la métamorphose dorée, et passait de l’assiette dans le fauteuil.


III

ANGE PITOU CHEZ SA TANTE


Nous avons vu le peu de sympathie qu’Ange Pitou avait pour un séjour trop prolongé chez sa bonne tante Angélique : le pauvre enfant, doué d’un instinct égal, et peut-être même supérieur à celui des animaux auxquels il avait l’habitude de faire la guerre, avait deviné d’avance tout ce que ce séjour lui gardait, nous ne dirons pas de déceptions, nous avons vu qu’il ne s’était pas un seul instant fait illusion, mais de chagrins, de tribulations et de dégoûts.

D’abord, une fois le docteur Gilbert parti, et, il faut le dire, ce n’était pas cela qui avait indisposé Pitou contre sa tante, il n’avait pas été question un seul instant de mettre Pitou en apprentissage. Le bon notaire avait bien touché un mot de cette convention formelle, mais mademoiselle Angélique avait répondu que son neveu était bien jeune, et surtout d’une santé bien délicate, pour être soumis à des travaux qui peut-être dépasseraient ses forces. Le notaire, à cette observation, avait admiré le bon cœur de mademoiselle Pitou, et avait remis l’apprentissage à l’année prochaine. Il n’y avait point de temps perdu encore, l’enfant venant d’atteindre sa douzième année.

Une fois chez sa tante, et tandis que celle-ci ruminait pour savoir quel était le meilleur parti qu’elle pourrait tirer de son neveu, Pitou, qui se retrouvait dans sa forêt, ou à peu près, avait déjà pris toutes ses dispositions topographiques pour mener à Villers-Cotterets la même vie qu’à Haramont.

En effet, une tournée circulaire lui avait appris que les meilleures marettes étaient celles du chemin de Dampleux, du chemin de Compiègne et du chemin de Vivières, et que le canton le plus giboyeux était celui de la Bruyère-aux-Loups.

Pitou, cette reconnaissance faite, avait pris ses dispositions en conséquence.

La chose la plus facile à se procurer, en ce qu’elle ne nécessitait aucune mise de fonds, c’était de la glu et des gluaux : l’écorce du houx,