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manda-t-il. — Lui-même, répondit l’aide de camp. — En ce cas, c’est moi. — Bon ! monsieur de Beauvau vous fait appeler de la part du roi. Ces mots retentissants firent ouvrir les yeux à Billot, et les rangs à la foule ; Gilbert s’y glissa, suivi de Billot et de Pitou, à la suite du cavalier qui répétait :

— Ouvrez-vous, Messieurs, ouvrez-vous ; passage, au nom du roi ! Messieurs, passage.

Gilbert arriva bientôt à la portière du carrosse royal, qui marchait au pas des bœufs de l’époque mérovingienne.


XXXVII

LE VOYAGE


Ainsi poussant, ainsi poussés, mais suivant toujours l’aide de camp de Monsieur de Beauvau, Gilbert, Billot et Pitou arrivèrent enfin près du carrosse dans lequel le roi, accompagné de messieurs d’Estaing et de Villequier, s’avançait lentement au milieu d’une foule croissante.

Spectacle curieux, inouï, inconnu, car il se produisait pour la première fois. Tous ces gardes nationaux de la campagne, soldats improvisés, accouraient avec des cris de joie sur le passage du roi, le saluant de leurs bénédictions, essayant de se faire voir, et, au lieu de s’en retourner chez eux, prenant rang dans le cortège et accompagnant la marche du roi. Pourquoi ? nul n’aurait pu le dire ; obéissait-on à l’instinct ? On avait vu, on voulait revoir encore ce roi bien-aimé.

Car, il faut le dire, à cette époque, Louis XVI était un roi adoré, à qui les Français eussent élevé des autels, sans ce profond mépris que monsieur de Voltaire avait inspiré aux Français pour les autels.

Louis XVI n’en eut donc pas, mais uniquement parce que les esprits forts l’estimaient trop à cette époque pour lui infliger cette humiliation.

Louis XVI aperçut Gilbert appuyé au bras de Billot ; derrière eux marchait Pitou, traînant toujours son grand sabre.

— Ah ! docteur, le beau temps et le beau peuple ! — Vous voyez, sire, répliqua Gilbert.

Puis se penchant vers le roi.

— Qu’avais-je promis à Votre Majesté ? — Oui, Monsieur, oui, et vous avez tenu dignement votre parole.

Le roi releva la tête, et, avec l’intention d’être entendu :