Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/338

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Bailly, et qui faisait pousser des cris d’admiration à tous les Parisiens assemblés sur la place.

Cette inscription attira l’œil de Billot.

Mais comme Billot ne savait pas lire, il se fit lire l’inscription par Pitou.

Billot, se la fit redire une seconde fois, comme s’il n’avait pas entendu la première.

Puis, quand Pitou eut répété la phrase sans y changer un seul mot :

— Il y a cela ? s’écria-t-il ; il y a cela ? — Sans doute, dit Pitou. — La municipalité a fait écrire que le roi était roi d’un peuple libre ? — Oui, père Billot. — Alors, s’écria Billot, si la nation est libre, elle a le droit d’offrir au roi sa cocarde.

Et d’un bond s’élançant an-devant de Louis XVI, qui descendait de son carrosse en face des degrés de l’hôtel de ville :

— Sire, dit-il, vous avez vu que sur le pont Neuf le Henri IV de bronze a la cocarde nationale ? — Eh bien ? fit le roi. — Eh bien ! sire, si Henri IV porte la cocarde tricolore, vous pouvez bien la porter, vous ?

— Certes, dit Louis XVI embarrassé, et si j’en avais une… — Eh bien ! dit Billot en haussant la voix et en élevant la main, au nom du peuple, je vous offre celle-ci en place de la vôtre, acceptez-la. Bailly intervint.

Le roi était pâle. Il commençait à sentir la progression. Il regarda Bailly, comme pour l’interroger.

— Sire, dit celui-ci, c’est le signe distinctif de tout Français. — En ce cas, je l’accepte, dit le roi prenant la cocarde des mains de Billot.

Et mettant de côté la cocarde blanche, il fixa la cocarde tricolore à son chapeau.

Un immense hourra de triomphe retentit sur la place. Gilbert se détourna profondément blessé. Il trouvait que le peuple empiétait trop vite, et que le roi ne résistait point assez.

— Vive le roi ! cria Billot, qui donna ainsi le signal d’une setnode ialve d’applaudissements. — Le roi est mort, murmura Gilbert, Il n’y a plus de roi en France.

Une voûte d’acier avait été formée par un millier d’épées étendues, depuis l’endroit où le roi descendait de sa voiture jusqu’à la salle où il était attendu.

Il passa sous cette voûte et disparut dans les profondeurs de l’hôtel de ville.

— Ce n’est point un arc de triomphe, dit Gilbert ; ce sont les Fourches-Caudines.