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préoccupation de sa politique. Celui-là ne se plaint pas de la dureté de son lit qui a les membres rompus par la fatigue.

Telles élaient les circonstances dans lesquelles vécut la reine depuis ce retour du roi à Versailles, jusqu’au jour où elle songea sérieusement à reprendre l’exercice absolu de sa puissance.

C’est que, dans son orgueil, elle attribuait à sa décadence comme l’espèce de dépréciation que depuis quelque temps la femme semblait subir, Pour cet esprit actif, penser c’était agir.

Elle se mit à l’œuvre sans perdre un moment.

Hélas ! cette œuvre à laquelle elle se mettait, c’était celle de sa perdition.


XLVII

LE RÉGIMENT DE FLANDRE


Malheureusement pour la reine, tous ces faits que nous avons vus étaient des accidents auxquels une main ferme et industrieuse pouvait apporter remède. Il ne s’agissait que de concentrer ses forces.

La reine, voyant que les Parisiens s’étaient changés en militaires et paraissaient vouloir faire la guerre, se résolut à leur montrer ce que c’était qu’une guerre véritable.

— Jusqu’alors ils ont eu affaire aux invalides de la Bastille, aux suisses mal soutenus et flottants ; on va leur montrer ce que c’est qu’un ou deux bons régiments bien royalistes et bien instruits.

Peut-être y a-t-il quelque part un de ces régiments-là qui déjà ait mis en fuite les émeutes, et ait versé le sang dans les convulsions de la guerre civile. On fera venir un de ces régiments, le plus connu. Les Parisiens comprendront alors, et ce sera le seul recours qu’on leur laisse pour leur salut, l’abstention.

C’était après toutes les querelles de l’Assemblée et du roi pour le veto.

Le roi avait pendant deux mois lutté pour ressaisir un lambeau de souveraineté ; il avait, conjointement avec le ministère et Mirabeau, essayé de neutraliser l’élan républicain qui voulait effacer la royauté en France.

La reine s’était usée à cette lutte, usée surtout parce qu’elle avait vu le roi succomber.

Le roi avait perdu à ce combat tout son pouvoir le reste de sa popularité. La reine avait gagné un surnom, un sobriquet.