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Pourquoi pas ? la garde nationale en a bien un.

Lafayette est le général des hommes.

Maillard sera le général des femmes.

Monsieur Lafayette commande à ces fainéants de grenadiers qui semblent une armée de réserve, tant ils font peu quand il y a tant à faire.

Maillard commandera l’armée active.

Sans sourire, sans sourciller, Maillard accepte.

Maillard est général commandant les femmes de Paris.

La campagne ne sera pas longue, mais elle sera décisive.


L

MAILLARD GÉNÉRAL


C’était bien une armée que celle à laquelle commandait Maillard.

Elle avait des canons, dépourvus d’affûts et de roues, c’est vrai, mais on les avait placés dans des charrettes.

Elle avait des fusils, beaucoup manquaient de chiens ou de batterie, c’est vrai, mais aucun ne manquait de baïonnette.

Elle avait une foule d’autres armes, bien embarrassantes, c’est vrai, mais enfin c’étaient des armes.

Elle avait de la poudre dans des mouchoirs, dans les bonnets, dans les poches, et au milieu de ces gibernes vivantes se promenaient les artilleurs avec leurs mèches allumées.

Si toute l’armée n’a pas sauté en l’air pendant cet étrange voyage, il y a bien certainement eu miracle.

Maillard d’un coup d’œil a apprécié les dispositions de son armée. Il voit que tout ce qu’il peut faire, c’est non pas de la contenir sur la place, non pas de l’enchaîner à Paris, mais de la conduire à Versailles et, arrivé là, d’empêcher le mal qu’elle pourrait y faire.

Cette tâche difficile, cette tâche héroïque, Maillard la remplira.

En conséquence, Maillard descend, il prend le tambour suspendu au cou de la jeune fille.

Mourante de faim, la jeune fille n’a plus la force de le porter. Elle abandonne le tambour, glisse le long du mur, et tombe la tête sur une borne.

Sombre oreiller… oreiller de la faim !…

Maillard lui demande son nom. On l’appelle Madeleine Chambry. Elle