Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/419

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les électeurs, qui n’étaient point fâchés de lui laisser une portion de la responsabilité des événements qui allaient se passer ; mais le peuple, lui, crut qu’il avait représenté réellement, et le peuple, avec le vœu auquel cette représentation de son commandant général était en harmonie, le peuple cria : Vive Lafayette !

Alors Lafayette, pâlissant, répéta à son tour : À Versailles !

Quinze mille hommes le suivirent avec un enthousiasme plus silencieux, mais plus terrible en même temps que celui des femmes parties en avant-garde.

Tout ce monde devait se rejoindre à Versailles, pour demander au roi les miettes de pain tombées de la table des gardes du corps pendant l’orgie du 1er au 2 octobre.



LI

VERSAILLES


Comme toujours, on ignorait complètement à Versailles ce qui se passait à Paris.

Après les scènes que nous avons décrites, et dont la reine, le lendemain, s’était félicitée tout haut, la reine se reposait.

Elle avait une armée, elle avait des séides, elle avait compté ses ennemis, elle désirait engager la lutte.

N’avait-elle pas la défaite du 14 juillet à venger ? N’avait-elle pas ce voyage du roi à Paris, voyage dont il était revenu avec la cocarde tricolore à son chapeau, à faire oublier à sa cour et à oublier elle-même ?

Pauvre femme ! elle ne s’attendait guère au voyage qu’elle allait être forcée de faire elle-même.

Depuis son altercation avec Charny, elle ne lui avait plus parlé. Elle affectait de traiter Andrée avec cette ancienne amitié un instant assombrie dans son cœur à elle, à jamais éteinte dans celui de sa rivale.

Quant à Charny, elle ne se tournait et ne regardait de son côté que lorsqu’elle était forcée de lui adresser la parole pour son service ou de lui donner un ordre.

Ce n’était pas une disgrâce de famille, car le matin même du jour où les Parisiens devaient quitter Paris pour venir à Versailles, on vit la reine causer affectueusement, avec le jeune Georges de Charny, le second des trois frères, celui-là même qui, contrairement à Olivier, avait donné