Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/430

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Le roi secoua la tête.

Il reste, non point parce qu’il a le courage de rester, mais parce qu’il n’a pas la force de partir.

Tout bas, il murmure :

— Un roi fugitif ! un roi fugitif !

Puis se retournant vers Andrée :

— Allez dire à la reine de partir seule.

Andrée sortit pour s’acquitter de la commission.

Cinq minutes après, la reine entra et vint se ranger près du roi.

— Que venez-vous faire ici, Madame ? demanda Louis XVI — Mourir avec vous. Monsieur, répondit la reine. — Ah ! murmura Charny, voilà où elle est vraiment belle.

La reine tressaillit, elle avait entendu.

— Je crois, en effet, que je ferais mieux de mourir que de vivre, dit-elle en le regardant.

En ce moment, la marche de la garde nationale battait sous les fenêtres mêmes du palais.

Gilbert entra vivement.

— Sire, dit-il au roi, Votre Majesté n’a plus rien à craindre, monsieur de Lafayette est en bas.

Le roi n’aimait pas monsieur de Lafayette, mais se contentait de ne pas l’aimer.

Du côté de la reine, c’était autre chose ; elle le haïssait franchement, et ne cachait pas sa haine.

Il en résulta qu’à cette nouvelle qu’il croyait une des plus heureuses qu’il put annoncer en ce moment, Gilbert ne reçut pas de réponse.

Mais Gilbert n’était pas homme à se laisser intimider par le silence royal.

— Votre Majesté a entendu ? dit-il au roi d’un ton ferme. Monsieur de Lafayette est en bas, et se met aux ordres de Votre Majesté.

La reine continua de rester muette.

Le roi fit un effort sur lui-même.

— Qu’on aille lui dire que je le remercie, et qu’on l’invite de ma part à monter.

Un officier s’inclina et sortit.

La reine fit trois pas en arrière.

Mais d’un geste presque impératif le roi l’arrêta.

Les courtisans se formèrent en deux groupes.

Charny et Gilbert demeurèrent près du roi.

Tous les autres reculèrent comme la reine, et allèrent se ranger derrière elle.