Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/438

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Un homme saisit le manche de la hallebarde que l’officier ne veut pas lâcher. Pour le lui faire lâcher, l’homme lui mord la main. L’officier arrache la hallebarde des mains de son adversaire, en saisit avec les siennes placées à deux pieds de distance le manche de chêne, abaisse de toute sa force ce manche sur la tête de son adversaire, et lui fend le crâne.

La violence du coup a brisé en deux la hallebarde. Dès lors l’officier a deux armes au lieu d’une, un bâton et un poignard. Avec le bâton il fait le moulinet, avec le poignard il darde. Pendant Ce temps, le factionnaire a rouvert la porte de l’antichambre et a appelé à l’aide.

Cinq ou six gardes sont sortis.

— Messieurs, Messieurs, dit la sentinelle, à l’aide de monsieur de Charny, à l’aide !

Les sabres sortent du fourreau, brillent un instant à la lueur de la lampe qui brûle au haut de l’escalier, et, à droite et à gauche de Charny, fouillent furieusement les assaillants. Des cris de douleur se font entendre, le sang jaillit, le flot recule en roulant sur les marches qu’il découvre en se retirant, et qui apparaissent rouges et glissantes.

La porte de l’antichambre se rouvre une troisième fois, et la sentinelle crie :

— Rentrez, Messieurs, le roi l’ordonne. Les gardes profitent du moment de confusion qui s’est opéré dans la foule ; ils s’élancent vers la porte. Charny rentre le dernier. La porte se referme sur lui, les deux larges verroux glissent dans leurs gâches. Mille coups frappent à la fois cette porte ; mais on entasse derrière elle banquettes, tables, tabourets. Elle tiendra bien dix minutes. Dix minutes ! Pendant ces dix minutes quelque renfort arrivera. Voyons, que se passe-t-il chez la reine ? Le second groupe s’est élancé vers les petits appartements ; mais là l’escalier est étroit, et à peme deux personnes peuvent-elles passer de front dans le corridor.

C’est là que veille Georges de Charny.

Au troisième : Qui vive ! resté sans réponse, il a fait feu. Au bruit du coup, la porte de la reine s’ouvre. Andrée passa sa tête pâle, mais calme.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle. — Madame, s’écrie Georges, sauvez Sa Majesté, c’est à sa vie qu’on en veut. Je suis seul ici contre mille. Mais n’importe, je tiendrai le plus longtemps possible ; hâtez-vous ! hâtez-vous !