Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/483

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Car Pitou, poussé par le doute, cette première moitié de la jalousie, Pitou n’était plus un simple bipède : Pitou semblait être une de ces machines ailées, comme Dédale en particulier, ou en général les grands mécaniciens de l’antiquité les rêvèrent si bien, et les exécutèrent, hélas ! si mal.

Il ressemblait, à s’y méprendre, à ces bonshommes de paille, aux bras de chalumeaux, que le vent fait tourner aux étalages des marchands de jouets d’enfants : bras, jambes, têtes, tout remue, tout vole.

Les jambes immenses de Pitou marquaient des angles de cinq pieds de large, à leur plus grande ouverture : ses mains, pareilles à deux battoirs emmanchés d’un bâton, poussaient l’air comme des rames. Sa tête, tout bouche, tout narines et tout yeux, absorbait l’air qu’elle envoyait en souffles bruyants.

Aucun cheval n’eût été animé de cette rage de courir.

Aucun lion n’eût eu cette volonté féroce d’atteindre sa proie.

Pitou avait plus d’une demi-lieue à faire quand il aperçut Catherine ; il ne lui laissa pas le temps de faire un quart de lieue, tandis que lui absorba cette demi-lieue.

Sa course avait donc acquis le double de la rapidité de celle d’un cheval au trot.

Enfin, il arriva à atteindre une ligne parallèle à la sienne.

Ce n’était plus pour voir simplement Catherine que Pitou la suivait : c’était pour la surveiller.

Elle avait menti. Dans quel but ?

N’importe ; pour reconquérir sur elle une certaine supériorité, il fallait la surprendre en flagrant délit de mensonge.

Pitou donna tête baissée dans les fougères et dans les épines, brisant les obstacles avec son casque, et employant son sabre au besoin.

Cependant, comme Catherine n’allait plus qu’au pas, de temps en temps le bruit des branches brisées arrivait jusqu’à elle, et faisait tout à la fois dresser l’oreille au cheval et à la maîtresse.

Alors Pitou, qui ne perdait pas Catherine des yeux, Pitou s’arrêtait en reprenant haleine ; il détruisait le soupçon.

Cependant cela ne pouvait pas durer ; aussi cela ne dura-t-il pas.

Pitou entendit tout à coup hennir le cheval de Catherine, et à ce hennissement un autre hennissement répondit.

On ne pouvait pas encore voir le second cheval qui hennissait.

Mais, quel qu’il fût, Catherine frappa Cadet de sa badine de houx, et Cadet, qui avait soufflé un instant, reprit le grand trot.

Au bout de cinq minutes, grâce à cette augmentation de vitesse, elle avait rejoint un cavalier, qui accourut lui-même au-devant d’elle avec