Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/507

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sur Ange Pitou, qui venait de se donner la contenance la plus majestueuse possible en face de son adversaire politique.

Et d’abord, sur la situation, quelques mots qui eussent fait longueur à une autre page et qui trouvent naturellement leur place sur celle-ci.

Ils expliqueront la présence, chez l’abbé Fortier, de ces trente ou quarante fusils qui étaient l’objet des ambitions de Pitou et de ses deux complices, Claude et Désiré.

L’abbé Fortier, ancien aumônier ou sous-aumônier du château, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire ailleurs, était devenu avec le temps, et surtout avec cette patiente fixité des ecclésiastiques, l’unique intendant de ce qu’en économie théâtrale on appelle les accessoires de la maison.

Outre ses vases sacrés, outre la bibliothèque, outre le garde-meuble, il avait reçu en dépôt les vieux équipages de chasse du duc d’Orléans, Louis-Philippe, père de Philippe, qui fut nommé depuis Égalité. Quelques-uns de ces équipages remontaient à Louis XIII et à Henri III. Tous ces ustensiles avaient été disposés artistiquement par lui dans une galerie du château qu’on lui avait abandonnée à cet effet. Et pour leur donner un aspect plus pittoresque, il les avait étoilés de rondaches, d’épieux, de poignards, de dagues et de mousquets à incrustation du temps de la Ligue.

La porte de cette galerie était formidablement défendue par deux petits canons de bronze argenté donnés par Louis XIV à son père Monsieur.

En outre, une cinquantaine de mousquetons rapportés comme trophées, par Joseph-Philippe, du combat d’Ouessant, avaient été donnés par lui à la municipalité, et la municipalité, qui, comme nous l’avons dit, logeait gratis l’abbé Fortier, avait mis ces mousquets, dont elle ne savait que faire, dans une chambre de la maison collégiale.

C’était là le trésor que gardait le dragon nommé Fortier, menacé par le Jason que l’on appelait Ange Pitou.

Le petit arsenal du château était assez célèbre dans le pays pour que l’on désirât l’acquérir sans frais.

Mais, nous l’avons dit, dragon vigilant, l’abbé ne semblait pas disposé à livrer facilement, à quelque Jason que ce fût, les pommes d’or de ses Hespérides.

Ceci posé, revenons à Pitou.

Il salua fort gracieusement l’abbé Fortier, en accompagnant son salut d’une de ces petites toux qui réclame l’attention des gens distraits ou préoccupés.

L’abbé Fortier leva le nez de dessus son journal.