Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/540

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Ne fut-ce que pour voir souffrir un peu cette orgueilleuse, la chose n’était-elle pas à faire ?

Mais pour aller à la danse, il fallait encore se montrer en parallèle avec ce beau seigneur, et ce n’est pas une position acceptable pour un rival que ce parallèle avec un homme si bien mis.

Pitou, inventif comme tous ceux qui savent concentrer leurs chagrins, trouva mieux que la conversation à la danse. Le pavillon dans lequel avait lieu le rendez-vous de Catherine avec le vicomte de Charny était entouré d’un épais taillis attenant à la forêt de Villers-Cotterets.

Un simple fossé indiquait la limite existant entre la propriété du comte et la propriété du simple particulier.

Catherine, qui était appelée à chaque instant pour les affaires de la ferme dans les villages environnants, Catherine, qui, pour arriver à ces villages, devait nécessairement traverser la forêt, Catherine, à laquelle on n’avait rien à dire tant qu’elle était dans cette forêt, n’avait donc qu’à franchir le fossé pour être dans les bois de son amant. Ce point était certainement choisi comme le plus avantageux aux dénégations.

Le pavillon dominait si bien le taillis, que par les percées obliques garnies de verres de couleur, on pouvait distinguer chaque chose à i’entour, et la sortie de ce pavillon était si bien cachée par le taillis, qu’une personne qui en sortait à cheval pouvait en trois élans de son cheval se trouver dans la forêt, c’est-à-dire sur un terrain neutre. Mais Pitou était venu si souvent de jour et de nuit, Pitou avait si bien étudié le terrain, qu’il savait l’endroit par où débouchait Catherine, comme le braconnier sait la passée par où bondit la biche qu’il veut tuer à l’affût.

Jamais Catherine ne rentrait dans la forêt suivie d’Isidore. Isidore demeurait quelque temps après elle dans le pavillon, pour veiller à ce qu’il ne lui arrivât rien en sortant, puis il s’en allait du côté opposé, et tout était dit.

Le jour que Pitou choisit pour sa démonstration, il alla s’embusquer à la passée de Catherine. Il monta sur un hêtre énorme qui dominait de ses trois cents ans le pavillon et le taillis. Une heure ne se passa point sans qu’il vît passer Catherine. Elle attacha son cheval dans un ravin de la forêt, et d’un bond, comme une biche effarouchée, traversa le fossé et s’enfonça dans le taillis qui menait au pavillon.

C’était juste au-dessous du hêtre où était branché Pitou que Catherine avait passé.